samedi 30 mars 2013

Françoise Hardy dans "20 ans" (3ème extrait)

En février 1967, Françoise Hardy se confiait à F. Vergnaud pour 20 ans dans un article intitulé L'étrange aveu de Françoise Hardy....

Elle se retourne devant la glace et trace, attentivement, du bout d'une petit pinceau, un trait d'eye-liner sur sa paupière droite. Elle bougonne :
_ J'ai une tête impossible aujourd'hui...
Et, comme j'essaie de la rassurer, elle lance :
_ Non, de dites pas que je suis belle, c'est faux, vraiment !!!
_ Moi, je veux bien... mais je vais penser que vous avez de sacrés complexes.
_ Oui... enfin vous savez, je ne suis jamais bien dans ma peau : je l'oublie le plus possible... Ce n'est pas toujours commode...

Françoise Hardy

_ Comment faites-vous pour chanter en public ?
_ Ce n'est pas pareil... Sur scène, je ne pense qu'à mes chansons... Je préfère tout de même enregistrer des disques.
_ On dit que vous êtes maladivement timide ?
_ Avec de gens que j'admire ou que j'aime beaucoup, oui. Avec les autres, non : je n'en ai rien à faire !
_ Parfois, vous sentez-vous très malheureuse ?
_ Quand j'attends un coup de téléphone qui ne vient pas et, surtout, surtout, quand j'aime quelqu'un qui ne m'aime pas... D’ailleurs, chez moi, c'est une situation permanente...
Elle avoue cela très vite, très simplement, une drôle de lueur triste au fond des yeux.

mardi 26 mars 2013

Françoise Hardy et Michel Houellebecq (Astrologie Naturelle extrait 4)

En mai 1999, Françoise Hardy faisait le thème astrologique de Michel Houellebecq pour la revue Astrologie Naturelle.

Françoise Hardy : Saturne qui, en raison de son cycle de trente années, gouverne le stade adolescent, est la planète des interrogations, du doute, de la quête profonde du sens et de la finalité de toute chose. Mal vécue, cette fonction peut favoriser la mélancolie, la solitude, le sentiment profond et douloureux de l’aspect éphémère, vain, futile et, en fin de compte, absurde de toute chose...
Michel Houellebecq : C’est très schopenhauerien tout ça... Je vais être beaucoup plus "people" que vous : j’ai été projeté sur la scène médiatique alors que je n’avais exprimé que des doutes... Les gens m’aiment bien et j’ai donc trouvé une sorte de justification sociale à la solitude et aux doutes qui constituent le plus clair de mes écrits. Je suis quelqu’un d’authentique qui ne croit pas à ce que la plupart des gens croient et éprouve un certain plaisir à enfoncer le clou... Quand j’étais adolescent, j’avais un fort besoin de certitudes rationnelles, j’étais attiré par le savoir absolu, par la Science, par les mathématiques... Mon rêve n’était pas de devenir un grand écrivain mais un grand scientifique...

Françoise Hardy : Le Saturnien de haut niveau a souvent une éthique contraignante. Etes vous aussi rigoureux, intransigeant sur le plan existentiel que sur le plan intellectuel ?

Françoise Hardy et Michel Houellebecq

Michel Houellebecq : Disons que je n’ai jamais dévié sur certains principes... (Cherchant) Je n’ai jamais fait de promesse non tenue... J’ai beaucoup de mal à mentir... Je ne peux pas laisser tomber les gens qui sont dans le malheur... Je suis tourmenté par la culpabilité, en particulier celle de n’avoir pu m’occuper de mon fils aussi bien que j’aurais dû...

Françoise Hardy : Une dominante Saturne-Pluton sur fond Poissons prédispose à avoir du mal à se motiver. On vous dit dépressif ?
Michel Houellebecq : Ce n’est pas le qualificatif qui convient. (Agacé) Il suffit que vous soyez fatigué et n’ayez envie de rien faire pour que les gens vous croient dépressif. En réalité, je suis extrêmement heureux de pouvoir rester couché pendant des jours sans rien faire d’autre que bouquiner... J’éprouve un vrai bonheur à regarder la mer ou un petit chien... Je peux me sentir très bien quand il ne se passe absolument rien. Je ne suis pas si dépressif que ça, j’ai juste besoin d’être seul.

Françoise Hardy : En quoi vous sentez vous encore adolescent ?
Michel Houellebecq : J’ai sans doute gardé certains traits de l’adolescence et ça explique en partie mon succès. Bien que n’étant pas jeune, je plais aux jeunes. Je ne peux pas expliquer pourquoi mais je sais que j’ai une image de jeune. C’est étrange... Comme Gainsbourg, j’ai peut-être devant moi un bel avenir de vieux jeune.

samedi 23 mars 2013

Françoise Hardy et l'Olympia (3ème extrait)

En janvier 1964, Françoise Hardy faisait la couverture du magazine Musica à l'occasion de son récent passage à l'Olympia. Raymond Mouly lui consacrait un article laudateur.

Il restait à Françoise à passer son épreuve de consécration définitive devant le tout-Paris. Là, on l'attendait. Une ancestrale tradition veut qu'un soir de première claironnée, tout ce qui a un nom dans le spectacle soit invité à se retrouver à l'orchestre : mille places gratuites pour les gloires défuntes ou toujours fraîches, pour les stratèges de l'édition musicale ou photographique, pour les météorologues de la chanson et pour les journalistes dont les articles du lendemain devront _ si possible _ exprimer quelque chose de personnel et _ obligatoirement _ d'anecdotique. Devant ce jury disparate, dont certains membres entendaient bien se payer du bon temps (ne serait-ce que pour amortir le prix de location de leur habit de soirée, réputé "de rigueur" sur les cartons), Françoise est apparue, forte d'un programme de neuf chansons, dont quatre inédites.

Richard Anthony - Françoise Hardy - Olympia

A la première, les gens ont applaudi du bout des doigts : cela laissait présager un succès. A la troisième ("Le premier bonheur du jour", un vrai chef-d’œuvre), les bravos se sont faits vraiment sonores : dans le contexte sociologique, cela équivalait à un triomphe. Quand les critiques publièrent leurs comptes rendus, la bataille était déjà gagnée pour Françoise Hardy. L'Olympia, entre-temps vibrait déjà des 1800 fauteuils de son vrai public, celui du samedi soir. Richard Anthony, vedette en titre de ce spectacle dont Françoise n'était que "l’américaine", pouvait se réjouir d'avoir fait confiance à cette consœur qu'il avait choisie. Bruno Coquatrix annonçait à Françoise : "Mon petit, tu devais durer un mois,. Mais nous savons déjà par la location que ce sera "bourré" tous les soirs. Alors nous prolongeons au moins pendant une semaine.". Et elle, si peu vedette, si peu monstre sacré _ ne disait-elle pas à la TV quelques jours avant : "Je ne suis pas solide..." _ a répondu : "Ce n'est sûrement pas pour moi qu'ils viennent. C'est pour Richard...". Il y a vraiment des succès qui font plaisir.

mardi 19 mars 2013

La musique ne peut pas tricher (4ème extrait)

En 2005 Françoise Hardy accordait une interview à Cécile Wajsbrot pour la revue annuelle Fusées.

Cécile Wajsbrot : "Votre rapport à la musique a-t-il changé depuis que vous n'en composez plus (la dernière fois, c'était en 1972, je crois, pour l'album orange L'éclairage) ? On pourrait penser que la relation entre une musique que l'on compose soi-même et le texte que l'on écrit dessus est plus évidente, plus intime. Comment faites-vous pour vous approprier une musique composée par quelqu’un d'autre ?"

Miossec - Françoise Hardy - Rachmaninov

Françoise Hardy : "Quelqu’un comme Miossec, par exemple, écrit beaucoup mieux qu'il ne compose et ses textes gagneraient à être mis en musique par des musiciens plus inspirés que lui. Pour s'approprier une musique de quelqu'un d'autre que soi, il suffit tout simplement de l'aimer, il suffit qu'elle touche votre corde sensible, qu'elle exprime mieux que vous ne sauriez jamais le faire la vibration qui est en vous. La musique que j'aurai le plus écouté dans ma vie et qui me fait aujourd’hui le même effet qu'hier est le Concerto n°2 de Rachmaninov. Je ne me l'approprie pas, mais je me "reconnais" à cent pour cent dedans. On se "reconnaît" d'une façon ou d'une autre dans un thème mélodique qui vous touche, et c'est pour cette raison, qu'on est plus ou moins à même d’écrire dessus".

samedi 16 mars 2013

Françoise Hardy dans Platine n°190 (3ème extrait)

Pour la sortie de l'album L'amour fou, Eric Chemouny s'entretenait avec Françoise Hardy dans Platine (numéro 190 de novembre / décembre 2012).

Eric Chemouny : "Les critiques littéraires aborderont forcément cet ouvrage différemment de votre autobiographie : redoutez-vous leur jugement ?"

Françoise Hardy :
"Oui, je crains le pire. Au départ, je ne voulais pas le publier. J'ai cédé sur insistance de l'éditeur, et surtout parce que Jean-Marie Périer, après avoir lu deux chapitres, m'a dit : "Vas-y ma grande : c'est très bien, il faut absolument que tu publies ! Ne te laisse pas arrêter par des scrupules inutiles !" . C'est lui qui m'a donné la force de sauter le pas.

Eric Chemouny : "Si tous les titres parlent d'amours impossibles et torturées, presque tous sont aussi des chansons lentes : était-ce un choix délibéré ?"

Françoise Hardy :
"Non, je suis tributaire des mélodies que l'on m'envoie. Et celles que je retiens ensuite, sont celles qui me touchent profondément. Il s'est trouvé que les seules mélodies qui m'ont émue étaient des mélodies lentes. J'attends aussi surtout d'une mélodie qu'elle soit inspirée."

Françoise Hardy

Eric Chemouny : "Avez-vous conscience que selon le discours officiel, c'est plus difficile à vendre aux radios ?"

Françoise Hardy :
"Oui, je sais bien et d'ailleurs ma maison de disques voulait que sorte en premier extrait "Rendez-vous dans une autre vie", qui sera sans doute le prochain single, après "Pourquoi vous". Cette musique de Calogero a quelque chose de très simple et très original."

Eric Chemouny : "Après "Noir sur blanc", on pouvait s'attendre à un titre plus rythmique de sa part : vous a-t-il proposé d'autres mélodies ?".

Françoise Hardy :
"Non, il ne m'a proposé que celle-ci".

Eric Chemouny : "Avez-vous trouvé aujourd'hui des éléments de réponse à cette question fondamentale qui a inspiré quasiment toutes vos chansons : "Pourquoi vous" ?"

Françoise Hardy :
"Non, et d'ailleurs, le début du texte : "J'ignore si ce que j'aime en vous, c'est vous", me paraît être une question que tout le monde devrait se poser. Finalement, quand on aime quelqu'un, on ne sait pas ce qu'on aime, parce qu'on est face à l'inconnu. Surtout quand on est, comme moi, attiré par des gens très insaisissables. Est-ce ce que c'est l'idée qu'on se fait de l'autre, cette vision idéalisée que l'on projette, ou ce qu'il est réellement ? Parfois, cette vision n'a rien à voir avec la réalisé des choses".

mardi 12 mars 2013

Françoise Hardy répond à The Independent (8ème extrait)

Le 5 février 2005, paraissait une interview de Françoise Hardy accordée au journal The Independent.

En dehors de la musique, l'autre grande passion de Hardy est l'astrologie. En 1974, après avoir rencontré l'astrologue Jean-Pierre Nicola et avoir été fascinée par ses avancées dans le domaine, elle a commencé à prendre des cours particuliers avec lui. Elle a fini par devenir une spécialiste des cartes astrologiques de naissance, et a commencé à poursuivre l'astrologie en tant qu'activité semi-professionnelle. En 1986, avec la graphologue Anne-Marie Simond elle a publié Entre les lignes, entre les signes, un livre analysant l'écriture et le ciel astrologique de diverses célébritées gauloises telles que Serge Gainsbourg et Jane Birkin. Entre 1980 et 1982, par ailleurs, Hardy et l'acteur Benoit Allemane ont co-présenté un talk-show basé sur l'astrologie pour Radio Monte Carlo.

Pragmatique, ambitieuse, un peu réservée, Hardy semble afficher quelques-uns des traits attribués au Capricorne typique. Mais quel est l'impact de l'astrologie sur sa vie quotidienne ?
"C'est une source de stimulation intellectuelle pour moi", dit-elle. "Les gens me demandent si je prends des décisions sur la base de mon horoscope, et la réponse est non, jamais. Si quelque chose d'important ou de difficile se passe dans ma vie, je vais utiliser l'astrologie pour m'aider à lui donner un sens, mais je ne m'en remets pas à l'astrologie seule. "

A présent, notre temps d'entretien est arrivé à son terme, donc je le termine en demandant à l'ex-étudiante en littérature ce qu'elle lit en ce moment. "Edith Wharton, Colette, Henry James ...», dit-elle, avant de vidanger le fond de son verre de Perrier. "Tant de livres contemporains ne méritent pas d'être lus, mais les classiques, vous pouvez y revenir encore et encore."

Alors qu'elle nous conduit à la porte, tout en maintien et assurance, il m'apparaît que Hardy a aussi quelque chose de classique. Charmante, énigmatique, emblématique et éternelle, elle est la détentrice de l'histoire d'une vie que les gens liront pendant les décennies à venir.

Jean-Pierre Nicola - Benoït Allemane - Françoise Hardy

Texte original : Aside from music, Hardy's other great passion is astrology. In 1974, having met astrologer Jean-Pierre Nicola and been fascinated with his advances in the field, she began taking private classes with him. She eventually became a specialist on astrological birth charts, and started pursuing astrology in a semi-professional capacity. In 1986, she and graphologist Anne-Marie Simond published Between The Lines, Between The Signs, a book analysing the handwriting and star signs of Gallic celebrities such as Serge Gainsbourg and Jane Birkin. Between 1980 and 1982, moreover, Hardy and actor Benoit Allemane co-presented an astrology-themed talk show on Radio Monte Carlo.Pragmatic, ambitious, a little reserved, Hardy seems to display some of the purported traits of a typical Capricorn. But how does astrology impact upon her everyday life? "It's a source of intellectual stimulation for me," she says. "People ask if I make decisions based on my horoscope, and the answer is no, never. If something important or challenging is happening in my life, I will use astrology to help me make sense of it, but I don't rely on astrology alone." By now our interview time is up, so I close by asking the former literature student what she reads now. "Edith Wharton, Colette, Henry James ...," she says, before draining the last of her glass of Perrier. "So many contemporary books don't deserve to be read, but the classics you can come back to again and again."
As she shows us to the door, all posture and poise, it strikes me that Hardy is something of a classic, too. Charming, enigmatic, iconic and enduring, she is possessed of a life-story people will be reading about for decades to come.

samedi 9 mars 2013

Françoise Hardy et Thomas Dutronc dans Mères et fils (16ème extrait)

En 2008, Françoise Hardy et Thomas Dutronc discutent ensemble à l'instigation des sœurs Massenet qui retranscrivent la rencontre dans un chapitre de leur livre "Mères et fils".

Thomas : Tu me faisais des massages aussi. Je pense qu'il y a beaucoup de choses qui passent par ce biais. Heureusement, parce que s'il n'y avait que le biais de la parlotte, je serais devenu complètement fou ! (Il rit)

Françoise : Quand tu étais petit, pour confirmer ce que tu viens de dire, tu me surnommais "le monstre bisouteur". L'humour vient de la famille de ton papa, ton grand-père, ton père, plus que de mon côté. Mais je l'appelle depuis des années "le lutin facétieux" ou "mon lutin préféré" ! Pendant longtemps, son père et moi l'entendions siffler quand il était dans sa chambre, dans la maison, qui était assez grande. Je ne sais plus à partir de quel âge ça l'a pris. Alors son père l'appelait "le merle" et je l'appelais "le pinson". Il sifflotait tout le temps...

Thomas Dutronc - Françoise Hardy

Thomas : On a plein de traits de caractère en commun. Toi comme moi, je pense, on est très scrupuleux. Ce n'est pas du tout le cas de papa. Nous, on est scrupuleux à tous les égards.

Françoise : Oui c'est vrai.

Thomas : Parfois l’absence de scrupules chez d'autres peut vraiment agacer. Je sais que je t'ai vue parfois t'agacer dans des promos. Moi aussi ça m'est arrivé devant un manque de travail ou de professionnalisme. Je suis capable de m’énerver, alors, du coup, je pense à toi qui t'énerves et je me dis : "Il ne fait pas s'énerver".

Françoise : Tu as raison, il vaut mieux ne pas s'énerver. En même temps, ce n'est pas mal de s'énerver parce que si tout le monde dit amen aux gens qui font tout de travers et qui s'en foutent, si personne ne réagit, ça les encourage à continuer !

mardi 5 mars 2013

Françoise Hardy dans "20 ans" (2ème extrait)

En février 1967, Françoise Hardy se confiait à F. Vergnaud pour 20 ans dans un article intitulé L'étrange aveu de Françoise Hardy....

Pourquoi avoir accepté de jouer dans "Grand Prix" alors que vous détestez jouer la comédie ?

Oui, je déteste faire du cinéma... Recommencer cent fois la même scène... j'ai la sensation de perdre mon temps. Je m'ennuie. Je ne suis pas douée pour la comédie... Moi, je comprends le cinéma en tant que spectatrice bien calée dans un fauteuil... Pour ce film, je me suis laissé tenter parce que j'adore le metteur en scène, John Frankenheimer. Il m'avait promis que je n'aurais rien à faire. Il a tenu parole. Dans "Grand Prix", je ne joue pas.

Françoise Hardy

Quel est votre rôle ?

Être là, être moi-même... Je suis une fille amoureuse d'un pilote et j'assiste aux courses, c'est tout. Je ne dis pas trois mots. Et puis tout l'équipe du film était formidable, je me sentais parfaitement à l'aise...
Ah ! Et j'ai fait la connaissance d'Yves Montand ! Au début, j'étais intimidée, mais après ! Yves, il est fantastique ! J'ai une passion pour lui ! Il est d'un telle intelligence, d'un tel esprit... Il n'arrêtait pas de faire des gags... On mourrait de rire : avec lui, je me sens comme avec un garçon de mon âge !

samedi 2 mars 2013

Françoise Hardy et Michel Houellebecq (Astrologie Naturelle extrait 3)

En mai 1999, Françoise Hardy faisait le thème astrologique de Michel Houellebecq pour la revue Astrologie Naturelle.

Françoise Hardy : Mars est votre planète la plus faible, moyennant quoi vous devriez avoir horreur de la violence.
Michel Houellebecq : J’ai particulièrement horreur de la méchanceté. A vingt ans, j’ai donné un coup de pied à un pigeon, c’est ce que j’ai fait de plus méchant dans ma vie et je m’en veux encore.

Françoise Hardy : Avez vous, petit, souffert des sévices dont le Bruno des Particules élémentaires est victime de la part de garçons plus âgés que lui ?
Michel Houellebecq : J’y ai assisté et cela m’a dégoûté de l’humanité, je veux dire des hommes. Cela a durablement orienté la mauvaise opinion que j’ai d’eux. Les situations d’agression me font horreur, je ne les supporte pas et suis incapable d’y faire face.

Françoise Hardy : Votre position est opposée à celle de Kundera qui croit que les femmes sont si conséquentes dans leur cruauté, que si elles avaient fait les guerres à la place des hommes, il n’y aurait pas eu un seul survivant.
Michel Houellebecq : Je pense l’inverse et je crois que c’est moi qui ai raison.

Françoise Hardy : Les Poissons cherchent à dépasser les contraires et les Gémeaux les confondent ou les ignorent. Que pouvez vous prendre à votre compte dans l’assertion d’un de vos personnages : "Certains êtres porteurs de valeurs déviantes continuent à associer la sexualité et l’amour" ?
Michel Houellebecq : Je ne dissocie pas en toutes circonstances mais ça m’est souvent arrivé.

Françoise Hardy et Michel Houellebecq

Françoise Hardy : Ça arrive à tout le monde, aux femmes aussi...
Michel Houellebecq : (Haussant le ton) Moins...

Françoise Hardy : Ne pensez vous pas que le sexe puisse être le couronnement de l’amour ?
Michel Houellebecq : Honnêtement, j’aurais tendance à voir les choses dans l’autre sens... Je commence toujours par le sexe ; en général l’amour ne se manifeste pas... Parfois il arrive qu’une femme soit vraiment gentille...

Françoise Hardy : Dans votre premier roman, le narrateur évoque son trait de caractère majeur (qu’il partage avec le Michel des Particules élémentaires) : une "excessive lucidité ... transcendante aux schémas perceptifs de l’existence ordinaire". Dans la grille de lecture R.E.T. qu’utilise l’astrologie moderne, la fonction de Saturne, planète dominante dans votre ciel natal, est justement de "transcender l’Existence" : prendre du recul par rapport au vécu, s’abstraire des affects, creuser les faits, approfondir, multiplier et décortiquer les expériences pour en découvrir les rouages cachés. Est ce que ça vous interpelle au niveau du vécu ?
Michel Houellebecq : À certains moments j’ai cette malheureuse capacité de voir comment les choses se passent, au point d’en perdre toute possibilité d’adhésion. C’est une expérience pénible...