samedi 11 mars 2017

Mars 1963 - Albert Simonin et Françoise Hardy - 1ère partie

Spécial Jeunes
Pour inaugurer ce premier cahier "Spécial Jeunes", deux générations se sont rencontrées, Françoise Hardy vous représentait. Albert Simonin, l'homme du "Grisbi", du "Mouron" était le porte-drapeau des "croulants". Et c'est lui qui a ouvert le feu...

Albert Simonin. - Une chose me surprend : maintenant on parle des jeunes...
Françoise Hardy. - C'est très agaçant d’ailleurs. On ne parle que de ça...

A.S. - C'est un phénomène nouveau d'être jeune. Depuis la création du monde, les gens ne se sont jamais sentis jeunes, ils ont senti à un instant qu'ils n'étaient plus jeunes. Moi, j'ai eu sept ans, vingt ans, et c'est vers la quarantaine que je me suis aperçu que je n'étais plus jeune.
Mais jamais, à dix-huit ans, il m'est venu à l'idée que j'étais un jeune. Cette notion nouvelle me trouble beaucoup.
F.H. - Ce que vous dites, je pense que c'est dû au fait que tout va de plus en plus vite.

A.S. - Vous avez conscience, vous, d'être jeune ?
F.H. - Oh oui ! alors ; j'ai conscience que le temps passe vite et qu'on n'est pas jeune longtemps. Enfin, pour moi, les plus belles années de la vie, c'est entre seize et vingt ans, si vous voulez.

A.S. - C'est très révélateur ce que vous nous dites là, Françoise Hardy, parce que vous, vous semblez appréhender le passage d'un certain cap...
F.H. - Oui, oui...

A.S. - ... Alors que, à l'époque où j'étais jeune sans le savoir, nous n'avions qu'une hâte, c'était vieillir. Le garçonnet de douze ans attendait d'en avoir quatorze pour avoir des pantalons longs, on attendait sa vingtième année pour être émancipé. Maintenant, c'est l'inverse.
F.H. - Oui. Et j'ai l’impression que les jeunes qui m'entourent sont comme moi, sur ce plan-là.

A.S. - Que pensez-vous des croulants ?
F.H. - Je pense que les "croulants" ont beaucoup trop de complexes et surtout celui d'être croulant...

A.S. - On a fatalement le sentiment du vieillissement et c'est ce qui fait, en partie, ce divorce des générations : on ne se sent pas vieillir.
F.H. - Il y a des moments quand même où on s'en rend compte !
A.S. - Oui, par exemple quant on marche, quand on monte un escalier. Mais, dans le contact humains, on se croit de plain-pied avec un être de vingt ans et c'est là où l'erreur est terrible.
F.H. - En quoi pensez-vous qu'il y ait une erreur là ?

A.S. - Quand je suis en présence d'un garçon de vingt ans ou d'une jeune fille de vingt ans, je ne trouve pas le contact.
F.H. - Peut-être parce que vous ne prenez pas le temps de le trouver ?
A.S. - Mais je ne peux pas marcher sur les mains, ni faire des sauts périlleux ! Je suis tel que je suis avec toute le monde et, à partir d'un certain âge, je ne trouve plus le contact. Alors il y a une espèce de défiance qui est extrêmement pénible.
F.H. - Je ne me suis jamais tellement posé le problème. En fait, je ne connais pas tellement de personnes vraiment plus âgées que moi. Je veux dire que je suis surtout entourée de gens ayant dix ou vingt ans de plus que moi et ça marche très bien ! Peu m'importe que la personne ait quatre-vingt-dix ans ou qu'elle ait dix-huit ans, si ça "colle". C'est une question de contact.
A.S. - Vous trouvez le contact avec des personnes beaucoup plus âgées que vous ?
F.H. - Non, je ne peux pas vous dire cela parce que je n'en connais pas justement. Dans ma famille, il y a évidemment mes grands-parents...

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