samedi 30 septembre 2017

Janvier 1997 - Dimanche en roue libre (France Inter) - 3ème partie

Kriss : Alors vous disiez en début d'émission qu'en fait vous essayez d'apprendre le discernement.  

Françoise HARDY : Oui je rappelais cette phrase d'Omnia Pastor qui insiste toujours sur le discernement. C'est une jeune femme assez exceptionnelle que j'ai connue, enfin que j'ai connue un peu par hasard : je travaillais pour un journal suisse qui s'appelle Le Matin et l'un des journalistes m'a envoyé une cassette, donc, de cette jeune femme qui s'appelle Ghislaine en réalité et qui a pris le pseudonyme d'Omnia Pastor et qui pendant plusieurs années a parlé dans de toutes petites assemblées sous l'emprise d'un guide spirituel qui porte le nom de Pastor et toutes les réponses, tous les développements qu'elle a faits de thèmes qu'on lui proposait au début de tous les contacts qui ont eu lieu étaient vraiment extrêmement intéressants. Enfin, moi, en tout les cas, ça m'a prodigieusement intéressée et dans tout ce qu'elle dit, - j'ai l'impression de répéter ce que j'ai dit tout à l'heure mais ça ne fait rien, c'est pas les mêmes auditeurs, non ?-, mais dans tout ce qu'elle dit, effectivement, on en revient toujours à ce discernement et cette phrase...

Kriss : C'est quoi le discernement ?

Françoise HARDY : C'est essayer de distinguer le vrai du faux, le bon du mauvais, je ne sais pas comment, enfin peut-être qu'à cette table, il y a de meilleures définitions ? Non.. ? Le discernement, c'est voir les choses telles qu'elles sont et pas telles qu'elles ne le sont pas, savoir faire les bons choix, savoir ne pas mélanger, parce que, par exemple, on est très tributaire de nos émotions, de notre affectivité et quelquefois on est persuadé de certaines choses alors que c'est uniquement notre affectivité et notre émotionnel qui parlent... En politique, par exemple, les choix et les passions des gens qui discutent politique, sont directement tributaires de leur affectivité, de leurs frustrations, de leurs carences affectives, enfin, c'est extraordinaire et ça c'est très difficile d'avoir suffisamment de discernement pour savoir à quel point on est objectif, jusqu'à quel point on voit les choses telles qu'elles sont et, en même temps telles qu'elles sont, elles ont toujours plusieurs angles, plusieurs aspects."

mardi 26 septembre 2017

Janvier 1997 - Dimanche en roue libre (France Inter) - 2ème partie

Kriss : Il y a des gens qui appréhendent la mort comme une continuité... 
Françoise HARDY : Oui, moi j'ai tendance, j'ai tendance aussi à voir la mort comme une naissance pour une autre forme de vie, mais une autre forme de vie, un autre espace-temps où..., enfin, très différent de celui dans lequel nous sommes et c'est... je pense que c'est toujours très difficile et trop douloureux de quitter ce qu'on aime.

Kriss : Vous avez une idée de ce qu'il y a après. Pour vous il y a quelque chose après ?  
Françoise HARDY : Mais c'est très difficile d'avoir une idée sur l'inconnaissable, sur un inconnu qui est inconnaissable.

Kriss : On se fait parfois une petite idée.  
Françoise HARDY : Oui on se fait une idée, justement quand on lit les Dialogues avec l'Ange, oui on se fait une petite idée, oui, bien sûr.

Kriss : Mais vous avez eu besoin de lire dessus ? Vous n'avez pas une idée que vous portez en vous ?
Françoise HARDY : Non mais j'ai toujours aussi, petite fille, j'étais assez croyante, j'ai toujours été très réceptive aux idées d'au-delà , de vie après la mort, j'ai toujours été réceptive à cela....

Kriss : Ce n'est pas très facile finalement dans un milieu comme celui où vous vivez de s'occuper de sa spiritualité, c'est pas... je veux dire le show business....le milieu...  

Françoise HARDY : Non, non, je crois que c'est difficile dans tous les milieux, ça l'est probablement moins dans le milieu du show business qui, - si on réussit à vivre de ses disques de ses chansons, - vous laisse quand même plus de liberté et donc plus de temps qu'un autre milieu je crois que c'est véritablement une affaire pas seulement d'aspiration, c'est aussi une affaire de temps et puis de moments.... il y a un âge auquel on est plus disposé à s'intéresser à ce genre de questions.

samedi 23 septembre 2017

Janvier 1991 : Françoise Hardy n'oublie pas la chanson (Télé 7 jours)

"Juste le temps d'avoir ma première guitare, un cadeau de mon père pour mon bac, et j'enregistrais mon premier disque."
Françoise avoue qu'à l'époque, elle vivait déjà en marge du monde de la chanson : "Je passais mon temps à faire des chansons dans mon coin ou à les enregistrer en studio.
Johnny, c'était un météore, il ne s'attardait guère sur les amitiés féminines, de même qu'Eddy Mitchell. J'appréciais la gentillesse d'Adamo. Je voyais aussi quelquefois Claude Nougaro et sa femme de l'époque, Sylvie.

Lorsque j'allais enregistrer en Angleterre, je me souviens d'avoir croisé Paul McCartney et une fois aussi, dans un restaurant, George Harrisson et John Lennon. Si cela se produisait aujourd'hui, cela me ferait plus d'effet qu'alors !

J'étais plus amie avec les filles : Sylvie en particulier, qui menait une vie très simple, mais était une star à cause de son mariage avec Johnny. Pourtant, nous nous voyions peu.

Je n'ai réellement découvert Sheila que lors de son spectacle au Zénith, le plus beau que j'ai vu à Paris. Elle a su évoluer et bien. Après son Olympia, elle a décidé d'en finir avec la chanson. Une décision qui a dû être dure à prendre car elle, contrairement à moi, était populaire. Chapeau !

Je suis aussi très admirative de la façon dont elle et Sylvie se sont sorties de tout ce qui leur est arrivé : des accidents de voiture et des frasques de Johnny pour Sylvie, de monstrueuses rumeurs pour Sheila. Elles ont une pêche incroyable mais cela s'explique, elles sont toutes les deux des Lion."

A vélo dans Paris, guitare en bandoulière, en 1966
Pour Françoise, l'astrologie demeure une grande passion, mais elle ne délaisse pas la chanson. Elle vient d'écrire un texte pour le nouvel album de Patrick Juvet (J'en ai marre de la solitude") et un autre pour Khalil Chahine, un ami guitariste. "Sa mélodie m'inspirait tellement qu'il m'a suffi d'un seul jour pour écrire "Clair-obscur"." Ce n'est pas demain que l'on risque de ne plus entendre quelques notes de musique chez les Dutronc-Hardy, d'autant que Françoise a surpris, l'autre jour, Jacques en train d'apprendre à son fils Thomas à jouer "Jeux interdits" sur une guitare récupérée à la cave !

Isabelle CAUCHOIS

mardi 19 septembre 2017

12 janvier 1997 - Dimanche en roue libre (France Inter)

Extrait de l'émission "Dimanche en roue libre" diffusée sur France Inter le 12 janvier 1997 et animée par la regrettée Kriss.

Kriss : Je vais jouer à dénaturer le conte de la petite sirène d'Andersen et puis, après vous me donnerez votre interprétation à vous, d'accord ?

Françoise HARDY : Cela fait longtemps que je ne l'ai pas lu.

Kriss : Et bien justement moi je l'ai interprété aussi parce que ça fait longtemps que je ne l'avais pas lu. Il était une fois un prince très beau, très charmant, qui avait peur de la mer. Ainsi non seulement il ne savait pas nager mais en plus il refusait de se jeter à l'eau pour apprendre.
Un jour alors qu'il est en bateau, il entend une voix féminine si belle qu'il se penche sur la rambarde pour mieux entendre et puis il glisse et tombe dans la mer. Pendant sa chute il a juste le temps de crier à plusieurs reprises : "C'est ta faute."La sirène l'entend. En larmes, elle court chez Neptune : "Père, ne laisse pas se noyer le jeune homme par ma faute."
Neptune qui en a vu d'autres, répond : "Écoute, il te culpabilise déjà sans même te connaître et tu veux sauver la vie de ce type ?"
Mais la sirène insiste tellement que Neptune cède; elle prend l'homme dans ses bras, le ranime et le dépose sur la grève.
"Ah mademoiselle ", dit le prince, avant de s'éloigner, "Vous êtes ... merveilleuse, si vous aviez des jambes, je vous épouserais".Et la sirène court à nouveau chez Neptune : "Je veux des jambes, je veux des jambes !"
"Écoute, tu veux quelqu'un qui ne sait même pas t'aimer telle que tu es ... La belle affaire", répond Neptune. Mais la sirène pleure tellement qu'à la fin il la laisse échanger sa voix contre une paire de jambes.
Alors elle court, elle court chez le prince : "Regarde, mais regarde ! J'ai des jambes maintenant !"
"Non mais, ça ne va pas", répond le prince, "c'est ta voix que j'aimais ! Des jambes, chez nous, tout le monde en a !".
Alors moi c'est comme ça que j'ai lu ce conte. 

Françoise HARDY : J'trouve ça formidable, je trouve ça très très intéressant, très beau, très... c'est parfait, bravo.

Kriss : Alors vous, si vous deviez l'écrire, vous changeriez quelque chose ?  

Françoise HARDY : Non, non, ça me convient parfaitement. 

Kriss : Ça finirait pareil ?  

Françoise HARDY : Je crois.

Kriss : Vous n'aimez pas quand ça finit bien ?

Françoise HARDY : Eh... rien ne finit bien, jamais, c'est ... (petit rire)

Kriss : C'est curieux comme réponse "rien ne finit bien jamais"... 

Françoise HARDY : Mais non.

Kriss : La fin est un échec ?  

Françoise HARDY : Non, non, non je parlais en général. On va tous mourir, donc on va tous à un certain moment être obligé de se quitter, quand on regarde les choses au ras de la terre.

samedi 16 septembre 2017

Janvier 1991 : Françoise Hardy n'oublie pas la chanson (Télé 7 Jours)

FRANCOISE HARDY : JE N'OUBLIE PAS LA CHANSON

Françoise Hardy a reçu, à la fin de l'année dernière à la FNAC, un double disque d'or pour sa compilation "Vingt ans - Vingt titres", chez Flarenasch : un résumé de sa carrière avec des chansons spécialement réenregistréesElle consacre ses journées à l'astrologie et à la graphologie. Il lui reste, pourtant, le temps d'écrire des chansons, pour les autres et pour elle, et de se souvenir pour nous, des années soixante.Elle a encore la tête dans les étoiles quand elle m'accueille dans son salon tout noir, juste éclairé par la lumière du jardin entretenu avec amour par Jacques Dutronc. Françoise Hardy s'en excuse d'emblée : " Je sors de mon cours – bimensuel -  de graphologie. De plus, en ce moment, je suis insomniaque."

Mais, peu à peu, à l'image de son chat tigré Cassis, pelotonné sur le canapé de cuir noir, elle se détend, notant au passage la présence insolite d'un bouddha sur la table basse. " Encore une trouvaille de Jacques ! Il adore les objets, les stocke dans la cave et les fait apparaître au gré de son humeur. Moi, je suis pour le dépouillement le plus absolu.

De même, depuis la naissance de Thomas en 1973, j'ai abandonné toute recherche vestimentaire pour adopter pull et jean. C'est plus pratique quand il faut nourrir son petit monde. Pourtant, la mode est une chose qui comptait pour moi dans les années soixante, lorsque je montais sur scène.
 Je me souviens en particulier d'une tenue Courrèges, une petite robe courte blanc cassé, confortable et esthétique à la fois.  Cette robe, Drucker, pour une de ses émissions sur les années soixante, l'avait faire refaire d'après mes mesures de l'époque. Elle m'allait encore comme un gant. Peut-être parce que nous sommes des enfants issus des années de guerre, nous avons eu de la chance, aussi bien Sylvie Vartan que Sheila, de ne pas avoir épaissi."

Lorsqu'elle évoque les années soixante, nul regret chez celle qui en fut l'une des idoles, d'où son invitation à "Sacrée soirée". Françoise Hardy reconnaît que pour elle et pour tous les jeunes d'alors, ce furent des années roses : "Nous vivions dans l'insouciance la plus complète, sans épée de Damoclès au-dessus de la tête tels que le sida ou la guerre. Je mesure la différence de vie entre la mienne et celle de mon fils, Thomas, qui a le même âge, 17 ans, que celui que j'avais lorsque tout a commencé pour moi. Pourtant, c'est un enfant privilégié par rapport à d'autres. Il a une vie confortable et il est, de plus un élève brillant. Il a eu son bac avec mention et se prépare à faire une école de cinéma. Aura-t-il, lui, la possibilité de réaliser son ambition, alors que pour moi, dès le moment où j'ai découvert à 16 ans, le rock'n roll, grâce à Paul Anka et Cliff Richards (Oh! "Living Doll" et "Travelling Light"), ma voie était toute tracée, je composerais des chansons."

mardi 12 septembre 2017

16 juin 1963 - Lisette


Vous connaissez toutes Françoise Hardy, celle dont la magie des disques et des micros a diffusé à tous les échos : "Tous les garçons et les filles", "Ton meilleur ami", "J'ai jeté mon cœur", et autres chansons dédiées aux jeunes qui les sa vent par cœur.

Mais il y a désormais une autre Françoise, aussi simple, timide, lointaine : une grande fille brune et photogénique dont le cinéma s'est emparé.

C'est vrai que Françoise Hardy ressemble à cette orpheline peinte sur un vitrail florentin, avec son regard profond, sa bouche volontaire, ses longs cheveux tombants, une instinctive sauvagerie que le vent, les arbres, la nature suffisent à rassurer. A Stockholm, où elle tourne en ce moment son premier film aux côtés de Jean-Claude Brialy, les blondes filles de Suède lui envient son air de princesse solitaire, d'Electre en veste de daim.

Françoise Hardy est sa véritable identité. Elle vit à Paris, rue d'Aumale, tout au bas de Montmartre, avec sa mère, comptable chez un expert, et sa jeune sœur Michèle. M. Hardy est directeur dans une fabrique de machines à calculer.

Il était une fois une bachelière qui reçut en récompense une guitare…  Ainsi commence la légende de Françoise. Mais son talent, ses possibilités, sa persévérance, son courage sont tels que, si son père lui avait offert alors un transistor, son destin n'eût pas été changé. Elle aurait quand même écrit des chansons et elle les aurait chantées tout en préparant sa licence d'allemand. Elle serait quand même de venue le chef de file des héroïnes modernes chères aux moins de vingt ans, au nom de sa vocation, de sa sagesse, de ses mérites.

Claude THEROUANNE
Pleins
Feux

Sur …




Françoise Hardy

samedi 9 septembre 2017

Octobre 1996 - Entretien avec Michel Field - Partie 11

Michel FIELD : Le cinéma n’est pas un regret pour vous ?

Françoise HARDY : Pas du tout, c’est comme la scène ...

Michel FIELD : Je me souviens, je vous avais vue dans Grand Prix quand j’étais petit enfant ...

Françoise HARDY : Je n’aime pas être en représentation, je n’aime pas qu’on me voit. J’aime bien regarder, j’ai un côté assez voyeur, voyeuse - je ne sais pas comment on dit -, j’aime bien examiner, scruter, noter les détails et tout ça ... J’éprouve un malin plaisir à faire ça et l’idée d’être dans la situation inverse, où c’est l’autre ou qui que ce soit d’autre qui puisse m’examiner avec une acuité, même inférieure à la mienne, ça me panique. Pourtant je ne suis pas du tout quelqu’un de malveillant, malveillant a priori, mais quelquefois il y a des choses négatives que je vois et que je sais que j’ai comme tout un chacun. L’idée d’être sous le feu des regards, de la caméra ou de quoi que ce soit ... l’idée d’être dans une situation finalement aussi complètement bancale. Quand on est dans un tête à tête, il y a échange de regards, mais quand on est simplement regardée et qu’on n’a rien à regarder, je trouve ça très difficile, c’est insurmontable pour moi. Et ça ne date pas d’hier puisque toute petite à l’école, je me cachais au dernier rang pour que la maîtresse ne m’interroge jamais, tant j’étais déjà paniquée à l’idée d’être debout au milieu de la classe.
Il doit y avoir eu une espèce de mésaventure avec ma mère qui a dû faire un scandale à un moment avec moi et qui m’a couverte de honte…
… Si, si je sais, j’ai trouvé: je me souviens qu’une fois je suis allée en classe, ça devait être la douzième, donc la première classe, je devais avoir 4 ans et j’avais oublié de mettre ma petite culotte, et ma mère est arrivée à midi pour venir me chercher, avec ma petite culotte qu’elle m’a fait mettre devant tout le monde. Et bien voilà pourquoi, je ne peux ni faire de scène, ni faire de cinéma. Enfin on a trouvé !

Michel FIELD : Je propose qu’on arrête là , parce qu’après cet aveu ...

Françoise HARDY : C’est normal, une heure c’est le temps d’une séance ...

Michel FIELD : Oh bah dis donc ...

Françoise HARDY : Combien te dois-je ?

mardi 5 septembre 2017

Octobre 1996 - Entretien avec Michel Field - Partie 10

Michel FIELD : DUTRONC ?

Françoise HARDY : .... Changement de magasin

Michel FIELD : DUTRONC donc ?

Françoise HARDY : Je refuse de parler de ma vie privée .... Ce n’est pas possible ... .... C’est un très bon chanteur ... Lui a vraiment le "hara", l’énergie, la puissance. En général, les artistes qui sont bons sur scène sont des gens puissants physiquement ...

Michel FIELD : Vous le trouvez bon sur scène ?
Françoise HARDY : Je le trouve très bon sur scène ... Il assure vraiment ...

Michel FIELD : Et comme acteur ?

Françoise HARDY : Comme acteur ? Ça n’engage que moi, mais je le perçois comme quelqu’un d’extrêmement perméable à tout ce qui se passe, tout ce qui est autour de lui, un peu comme une éponge, même s’il a l’air imperturbable, et j’ai donc cru constater - mais je ne l’ai pas vu dans tous ses films parce que ça me dérange toujours un peu de voir les gens que je connais, à plus forte raison s’ils ont une grande importance dans ma vie personnelle, au cinéma - j’ai constaté dans les quelques films où j’ai pu le voir, qu’il était assez inégal, que, naturellement, ça avait un rapport avec l’environnement, le réalisateur, les acteurs avec le sujet du film lui-même, le tournage globalement, car c’est quelqu’un qui, à mon avis, doit percevoir assez vite si c’est bon ou moins bon, et il doit ... comment dire ? ... le répercuter d’une manière ou d’une autre. Je le trouve assez inégal ...
Michel FIELD : Dans quel rôle, le préférez-vous dans les films que vous avez vus ?

Françoise HARDY : Je le trouve absolument génial dans "Sale Rêveur" de Jean-Marie PERIER. Je trouve que, dans ce film, il fait le même effet que Marlon BRANDO dans "Un Tramway nommé désir", ce qui n’est pas peu dire, et puis je l’ai beaucoup aimé dans le film de LELOUCH "Le Bon et les Méchants". Je l’ai moins aimé dans un film que, par contre, je trouve génial, le film de ZULAWSKI ...

Michel FIELD : "L’Important c’est d’aimer" ...

Françoise HARDY : Dans "L’Important c’est d’aimer", je le trouve excessif à certains moments ... Dès que l’on demande à Jacques d’être excessif, ça sonne un peu faux et cela m’a un peu gênée ... Mais je l’ai adoré dans "Le Bon et les Méchants", c’est d’ailleurs à la suite de cette projection que j’avais décidé de ne plus jamais aller à une projection privée d’un film avec Jacques, car, comme vous savez, LELOUCH fait beaucoup improviser les acteurs et c’était très troublant, très perturbant pour moi de voir Jacques être à l’écran exactement comme il est dans la vie ...

Michel FIELD : "VAN GOGH" n’est pas cité ?

Françoise HARDY : Ça m’est difficile d’en parler, parce que ... Non ... Je ne peux pas en parler parce que je ne l’ai pas vu en fait ... Non, je n’ose pas dire la vérité: je l’ai regardé à la télévision et je me suis endormie, je devais être très fatiguée ce jour-là ...
Michel FIELD : Et c’est grave de s’endormir devant le film dans lequel joue son mari ?

Françoise HARDY : Pas du tout, surtout pour moi, puisque j’ai tendance à m’endormir devant ce qui m’intéresse et rester éveillée devant ce qui m’ennuie ...

Michel FIELD : Vous vous endormez facilement devant la télévision ?

Françoise HARDY : Chaque fois qu’un film m’intéresse véritablement, j’ai tendance à m’endormir parce que je suis insomniaque, j’ai donc tout le temps du sommeil en retard, mais quand quelque chose ne m’intéresse pas trop, bizarrement le sommeil ne vient pas ... J’ai interprété ce paradoxe de la façon lumineuse suivante: à savoir que quand quelque chose me captive à la télévision, ça me déconnecte de mon cinéma intérieur, de mes tourments qui tournent en rond en permanence, et comme ça me déconnecte, le sommeil peut enfin s’emparer de moi.

Michel FIELD : C’est le paradoxe de VAN GOGH


Françoise HARDY : Exactement ...

samedi 2 septembre 2017

Octobre 1996 - Entretien avec Michel Field - Partie 9

Michel FIELD : Vous vous sentez coupable de quoi ?

Françoise HARDY : De tout et de rien ... Si je vais au fond des choses, mais est-ce que - comment dire ? - ce ne sont pas mes mécanismes de défense qui se mettent en branle quand je dis ce que je vais dire, si je vais au fond des choses, je me dis: bon qu’est-ce qui est demandé finalement ? Finalement on est propulsé sur cette terre, on sait faire ci et ça, pas grand’ chose ... bon, moi c’est sûr que je suis complexée de ne savoir faire que, de temps à autre, un petit texte de chansonnette, et je me dis: bon, c’est ça que je sais faire, c’est ça qu’il m’a été donné de faire, alors quand je le fais, ce qu’il faut, c’est le faire le mieux possible. Faire le mieux possible ce qu’on sait faire. Point. Je me dis que ce n’est peut-être pas la peine de se torturer, de se dire finalement: qu’est-ce qu’a été ma vie, une bien petite vie ... si ce que je sais faire c’est des tartes aux pommes, et bien faisons-les le mieux possible, avec le plus d’amour possible. C’est déjà pas si mal.

Michel FIELD : Je ne vois pas trace de culpabilité ...

Françoise HARDY : Vous savez bien qu’il y a plusieurs personnes en chaque personne et j’ai donc utilisé celle qui est confortable ...
Michel FIELD : Et quand vous culpabilisez ? Est-ce qu’il y a un sentiment douloureux ?

Françoise HARDY : Je me dis toujours, quand je pense à mon fils par exemple, que je n’ai pas donné assez ... J’ai l’impression qu’on ne donne jamais assez et, en même temps, c’est toujours un dialogue entre une partie de soi et une autre.

Michel FIELD : Avez-vous assez reçu ?

Françoise HARDY : Je crois que ma mère m’a beaucoup donné, mais d’un autre côté il y a aussi le pourquoi du don. Il y a des personnes pour qui donner correspond plus à leur besoin qu’au besoin de l’autre, et qui vont donner en fonction de leur besoin à elles, et non de celui de l’autre et elles vont donner trop, à tel point que l’autre va être accablé, se sentir redevable à vie, ce qui est aussi difficile à supporter.
Dans tout, dans chaque domaine (on parle comme ça, on est bien confortables d’une certaine manière) tout est une question de dose, d’équilibre: un petit peu plus, un petit peu moins, c’est subtil, on bascule dans le négatif ou dans le positif ... 1/2 seconde de différence: on bascule de la vie ici à une vie dans l’au-delà , c’est à dire la mort ... ou à rien du tout, au néant ... Ça tient vraiment à un fil. Donc quand on pense à ça, au fait que tout tienne à un fil, on ne se sent pas si confortable que ça, fatalement ...

Michel FIELD : Vous avez le sentiment d’avoir fait souffrir autour de vous ?

Françoise HARDY : Oui ... Entre autre en refusant d’aller vers des gens qui venaient à moi et souhaitaient que j’aille à eux ...
Mais dès que je sentais un décalage trop important entre l’affection, les sentiments que l’on semblait me porter et ce que j’éprouvais moi-même, je ne voulais pas entrer dans une relation qui me paraissait bancale dès le départ. Je pense donc que j’ai fait du mal à ces personnes, mais peut-être était-ce un mal pour un bien ...

Michel FIELD : C’est arrivé souvent ?

Françoise HARDY : Pas très souvent, parce que je me barricade beaucoup, ce qui fait que les personnes qui finissent par avoir accès à moi ont dû y mettre un acharnement déjà effrayant en lui-même. En général, ce sont les circonstances qui font que l’accès se fait, jamais une volonté forcenée de l’autre qui constitue la pire base à mes yeux pour une éventuelle relation. C’est facile de parler de ce type de souffrance infligée, que l’autre vous amène aussi d’une certaine manière à lui infliger, mais je crois que la souffrance fait partie de la vie et des relations humaines, qu’elles soient amoureuses ou amicales, quelles qu’elles soient.
La souffrance peut être une bonne chose d’ailleurs puisque c’est seulement à partir de là que l’on est amené à se mettre en question, à réfléchir, approfondir les domaines en rapport avec ce qui nous fait souffrir. La souffrance est inhérente à la condition humaine et il vaut mieux ne pas trop la refuser parce que si on la refuse, on ne vit plus - comme moi d’ailleurs ... non, je plaisante ...

Michel FIELD : ....

Françoise HARDY : Je vais devoir monologuer puisqu’il se tait ... Il est atteint de mutisme ... En ce qui concerne les relations amicales ou amoureuses, il y a parfois des personnes qui veulent tout de vous, qui attendent tout .... j’arrête parce que ce que je dis n’a aucun intérêt ... une autre question ?

Michel FIELD : Finissez au moins la phrase ...

Françoise HARDY : C’est difficile parfois de choisir entre soi et l’autre. Il y a des personnes qui - pour des raisons X - ont un certain besoin de vous ... D’une certaine manière elles veulent prendre quelque chose de vous, sans rien donner en échange, si bien que vous êtes dans une situation où vous devez choisir entre vous et l’autre, tout en sachant que si vous vous choisissez vous, vous risquez de mettre l’autre dans une situation très pénible puisqu’il vous prend pour Dieu ... D’un autre côté, si vous choisissez la personne qui met tous ses espoirs en vous, vous y passez. Ça n’est pas intéressant ce que je raconte là , je l’ai déjà dit avant autrement .... Non ? Il me semble ... Il me sourit énigmatiquement, je ne dirai rien de plus ... ... Voilà: il y a des gens qui bouffent les autres et puis il y en a d’autres qui se font bouffer tout en pensant qu’ils pratiquent la charité chrétienne, alors qu’ils ne font que se faire bouffer. C’est très difficile de faire le distinguo, moi j’ai du mal à le faire ... Cette phrase était lumineuse ... Il me fixe d’une manière ... Je suis obligée de me tortiller sur mon siège ....