En 1988, Jean-Eric Perrin rencontrait Françoise Hardy à l'occasion de la sortie de l'album Décalages. Sa chronique est parue légèrement remaniée à l'intérieur du livre "J'ai encore esquinté mon vernis en jouant un ré sur ma Gibson" en mai 2009.
En ce jour de printemps 1988, Françoise Hardy est une femme remontée.
"Il y a très peu de gens qui peuvent se permettre de faire des disques sans promotion. Renaud peut le faire, parce qu'il vend un million de disques. Moi je dois en vendre cinquante, alors si je veux en vendre cent de plus, je suis bien obligée, par ma maison de disques, de faire un petit peu de promo et de télé. Mais comme je ne sais pas faire avec tout ça, je trouve que je me nuis à moi-même. J'ai hâte d'en finir avec tout ça. Cet album, c'est le dernier à cause de ça, justement. De la télé, et des photos parce que les photos, j'aime presque aussi peu ça. Il est temps que j'arrête, je ne suis plus présentable. J'ai dit plein de fois que je voulais arrêter, mais là, c'est vraiment fini. Déjà, quand on fait un disque, on ne sait jamais si on pourra en faire un autre après. Moi on me connaît un peu mais je ne suis pas une locomotive, je n'ai jamais vendu beaucoup, sauf au tout début. Mais dans les années 70, où justement j'ai commencé à faire des choses plus intéressantes, que je réécoute aujourd'hui avec une certaine satisfaction, je n'ai plus vendu. Ça arrive à pas mal de gens."
Cette décision très ancrée, finalement, repose sur un sentiment de peur. Un insécurité flagrante que cette femme pourtant imperméable au temps et aux caprices du temps a toujours entretenue comme pour magnifier son déséquilibre charmant.
"Si on me propose de faire un disque avec toutes les garanties sur le plan musical, toutes les précautions (parce que là, on a eu vraiment beaucoup de problèmes), et si j'ai la garantie de ne faire aucune promo, à part peut-être une ou deux interviews, mais pas de télé, pas de radio, pas de photos, alors peut-être... Moi, c’est tout ça qui m'ennuie, pas de faire des chansons. Me retrouver derrière un micro, c'est un petit peu embêtant maintenant. J'avoue que c'est devenu une corvée que de chanter, d’enregistrer... Plus la technique fait des progrès, plus c'est difficile : avant je le faisais en direct avec des musiciens : en trois prises, c'était bouclé. Aujourd'hui, il faut six heures pour faire une voix, c'est épouvantable."
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