En 2008, Françoise Hardy et Thomas Dutronc discutent ensemble à
l'instigation des sœurs Massenet qui retranscrivent la rencontre dans un
chapitre de leur livre "
Mères et fils".
Thomas : Tu as une personnalité assez particulière. Du fait de ta
vie, de tes antécédents, de ta propre mère aussi. Je me souviens, il y a
longtemps, tu étais dans un resto avec Daho. Tu étais pompette et, au
téléphone avec moi, tu étais d'une gentillesse, d'une tendresse, d'un
amour vraiment incroyables.
Françoise : Parce que j'étais ivre ?
Thomas : Non, ce que je veux dire, c'est que tu as un aspect
quand même assez brutal dont tu ne dois pas te rendre compte, qui
m'agace, mais dont je me fous éperdument parce que ce n'est pas du tout
comme ça que je te vois ou que je te connais, ou que je te sens. C’est
juste que parfois, dans le quotidien, tu as un aspect un peu brutal.
Mais en étant ivre morte, ça se voyait tellement qu'au fond tu n'es pas
du tout comme ça ! Je sais que c'est une protection.
Françoise : C'est parce que je suis tout le temps sous tension.
Thomas : Tu es sous tension, angoissée... enfin, je n'en sais
rien, moi. Évidemment, ça m'est égal. Je m'en fous de ce trait de
caractère, mais je trouve ça un peu... triste quand même.
Françoise : Ah bon !
Thomas : D'ailleurs, dans tes chansons, tu n'es pas comme ça non
plus. Tu as une vraie chaleur... Mais ça fait partie du personnage. J'ai
passé ma vie à vous voir entourés de gens et d'amis charmants et très
différents, super et tout ça, mais la plupart du temps, tout le monde
est quand même très en admiration, très à l'écoute... Tu ne t'en rends
sans doute pas tellement compte.
Françoise : Ah si, pour ton papa, je m'en suis toujours rendu compte !
Thomas : Mais même pour toi aussi, c'est un peu ça. Si tu veux,
quand tu parles, on t'écoute, voilà. Et moi, quand je parlais, mes
parents m'écoutaient parce que j'étais comme une petit Dieu pour eux.
(Elle rit.)
Mais, par moments, quand je parlais aux amis de mes parents, ils ne
m'écoutaient pas du tout : ils continuaient à écouter mes parents, alors
j'étais obligé de mettre le poing sur la table, de parler un petit peu
plus fort.
Françoise : Ah, c'est intéressant ça, je ne savais pas !
Thomas : Il fallait juste s'imposer à un moment, voilà. Mais
c'est curieux comme phénomène parce qu'on ne peut pas se prémunir contre
ça. Vous avez beau faire tout ce qui est en votre pouvoir, vous ne
pouvez pas empêcher que les gens soient là à vous regarder, à vous
écouter.