Jérôme Colin : Vous croyez que... Oh je ne sais pas. On ne peut pas se satisfaire d’un amour ?
Françoise
Hardy : C’est quand même difficile. A moins de vivre dans un village où
il y a 10 habitants. Non, mais c’est difficile parce qu’il y a
forcément une lassitude qui s’installe. Il n’y a pas qu’une personne
séduisante, et en plus avec le temps, les travers de l’autre se
révèlent. Il devient moins attirant. Il devient agaçant même, par
moment. Et puis vous pouvez très bien rencontrer quelqu’un qui va….
Jérôme Colin : Mais c’est triste de parler avec vous !
Françoise Hardy : Qui va inspirer en vous à nouveau une espèce d’illusion comme ça de prince charmant idéal. Etc.
Jérôme Colin : Eh hop, on tombe. Vous faisiez ça vous ?
Françoise Hardy : Honnêtement, ça m'est arrivé bien sûr…
Jérôme Colin : Pour se sentir en vie ?
Françoise
Hardy : Oh ben non, pas du tout. Ce n’est pas du tout parce que quand
ça arrive, on est très… Comment dire, on est très catastrophé d’une
certaine manière. On ne fait rien pour que ça arrive. Moi je n’ai jamais
rien fait pour tomber amoureuse de qui que ce soit. Mais d’un seul
coup, je me suis aperçue que cette personne… Eh ben voilà ! j’étais
amoureuse de cette personne. Oh mon dieu ! Mais quelle horreur. Que
faire ? Parce qu’en même temps, je n’ai pas… je n’ai pas comment dire !
Comment savoir si l’autre éprouve la même chose que vous. Et on a peur
de dire ce qu’on ressent. On a peur de mettre l’autre dans un endroit
profond. On attend d’avoir des petits signaux de l’autre. Et moi, les
petits signaux, je ne les vois pas forcément. Ou alors si je les vois,
j’ai peur de les inventer. Voyez donc ! C’est très compliqué. Dans mon
cas, c’est compliqué.
Jérôme Colin :: C’est un peu désespérant de parler avec vous, Françoise !
Françoise Hardy : Mais non, mais non, parce que c’est bien d’avoir plusieurs amours, plusieurs passions. C’est bien aussi.
Jérôme Colin : Oui, mais ça veut dire aussi que de toute façon, c’est voué à l’échec.
Françoise
Hardy : Non, ce n’est pas voué à l’échec. Par exemple, mon futur veuf,
on se connait quand même depuis plus de 40 ans. D’une certaine manière,
on est encore ensemble. On vit dans les mêmes endroits. On vit dans le
même appartement à Paris, dans la même maison en Corse.
Jérôme Colin : Est-ce que vous vous aimez ?
Françoise
Hardy : Oh alors... Ce n’est pas du sentiment amoureux. C’est un amour,
un lien, disons, qui est fait de tas de choses. Du fait d’avoir vécu
ensemble nos plus belles années. Du fait d’avoir eu un enfant ensemble
dont on est très fier l’un et l’autre. C’est ce qui compte le plus pour
nous évidemment.
Jérôme Colin : Est-ce que ça suffit pour être heureux ?
Françoise Hardy : Oh ben non. Mais être heureux, être heureux…
Jérôme Colin : Arrêtez, pas ça non plus !
Françoise
Hardy : Non, mais être heureux... Oh mais vous savez. Oh mais je peux
vous dire le contraire de ce que je vous dis donc… Alors, si vous m’y
poussez...
Jérôme Colin : Non, mais est-ce que ça suffit pour être heureux ?
Françoise Hardy : Voyez là par exemple, nous roulons, nous voyons des arbres, etc. Moi je suis heureuse de voir des arbres.
Jérôme Colin : Ah, moi aussi !
Françoise
Hardy : Je suis heureuse de voir des arbres. Je suis heureuse de me
promener dans la nature. Il fait beau. On parle. J’étais sujette à des
petits malaises ces temps derniers, et là ça fait trois jours que je
n’ai pas de malaise. Donc, je suis très heureuse. Des malaises non
végétatifs. Ne vous inquiétez pas ! Mais vraiment des malaises qui me
posaient problème. Ça fait 3 jours que je n’en ai pas. Donc, je suis
très heureuse. Il y a toujours plein de raisons de se réjouir.
Jérôme Colin : Tout à fait !
Françoise
Hardy : Mais des petits bonheurs, pas des grands grands bonheurs parce
que malgré tout… pff Si on réfléchit un tout petit peu à ce qui nous
guette, à ce qui nous attend. Moi je refuse d’y penser, je refuse d’y
penser. Plus on avance en âge, moins il faut y penser. Voilà ! Et
j’arrive à ne pas y penser. Voyez ...
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