Dans le métier de la chanson, Olympia peut très bien rimer avec Austerlitz ou avec Waterloo. Françoise Hardy le savait bien, qui jouait une partie difficile en se présentant le 7 novembre, pour la première fois de sa vie, sur la scène du boulevard des Capucines. De cet opéra du rock (si proche de l'autre géographiquement du moins), on ne sort que triomphant ou défait. Les demi-succès et les demi-échecs y sont inconnus, surtout quand on a déjà un nom et un passé. Or Françoise a l'un et l'autre.
Avant de flamboyer en lettre de néon sur la façade du plus grand music-hall parisien, son nom _ si propre à suggérer l'enthousiasme d'un jeune talent qu'on le prendrait volontiers pour un pseudonyme _ s'est d'abord inscrit avec une belle régularité dans les listes de best-sellers du disque. La première fois, c'était en novembre 1962. Elle venait d’enregistrer "Tous les garçons et les filles", et tout le monde disait, en jargon du métier, que "ça accrochait". Paradoxalement, cette poétesse de dix-huit ans, qui composait ses mélodies, rédigeait ses couplets, interprétait ses chansons _ et aurait même pu s'accompagner à la guitare si le genre défini par cet accessoire n'avait été depuis longtemps déconsidéré par l’abusive prolifération des intellectuels mal débarbouillés de la rive gauche _ fit d’abord impression sur les auditeurs d'âge mûr. Elle les rassurait. Elle chantait des histoires cohérentes, répugnait à l'onomatopée, trouvait pour ses phrases des scansions sages, réglait l'insolence de ses textes à la dose homéopathique.
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