samedi 12 août 2017

Octobre 1996 - Entretien avec Michel Field - Partie 3

Michel FIELD : [Tous les garçons et les filles ] ce n’est pas si simplet que ça ...

Françoise HARDY : Le thème peut être profond, mais la manière dont j’ai exprimé ça était vraiment simplette. C’est ça qui me fait un peu honte aujourd’hui ...

Michel FIELD : Que changeriez-vous si l’on vous donnait un exercice de style consistant à réécrire cette chanson ?

Françoise HARDY : Je ne pourrais pas réécrire une chanson comme ça aujourd’hui, parce que je n’en suis évidemment pas du tout au même point. A l’âge de 16/17 ans, effectivement, dans certains cas, c’était donc le mien, on a peur de ne jamais plaire à quelqu’un, de ne jamais connaître ce dont toutes les chansons parlent et puis, à l’âge que j’ai aujourd’hui, à partir du moment où justement j’ai très bien connu tout ça ... j’ai connu la passion, l’amour et pas seulement à sens unique, mais à partir du moment où il y avait à la base une telle peur de ne pas rencontrer cela et une envie correspondante ... une fois que la rencontre se fait, la peur de perdre arrive en même temps et il y a des souffrances tellement fortes, liées à la peur de perdre, liées à toutes sortes de peurs, qu’une fois que tout cela est plus ou moins épuisé ... consumé ... on aspire à un certain calme. C’est là où j’en suis aujourd’hui. Je n’ai plus les mêmes aspirations et je ne pourrais pas réécrire une chanson sur la peur de ne pas connaître une certaine forme d’amour.

Michel FIELD : Pourquoi aviez-vous l’idée d’un amour fou qu’il fallait absolument vivre ?
Françoise HARDY : En écrivant "Tous les garçons et les filles", je ne pensais pas que je ne connaîtrais pas "l’amour fou". Je pensais à l’amour et c’était très vague. Il s’est trouvé que quand je l’ai rencontré, j’ai su à mon propre sujet, que je ne pouvais aimer que d’une manière assez folle, probablement liée à toutes les peurs évoquées ...

Michel FIELD : C’est quoi aimer d’une manière folle ?

Françoise HARDY : C’est aimer d’une manière une peu trop inconditionnelle, un peu trop absolue, un peu trop basée sur l’attraction physique peut-être ... Non, je ne dis rien de plus ...

Michel FIELD : Pourquoi ?

Françoise HARDY : C’est tout ce qui me vient à l’esprit ... Aimer d’une manière folle, c’est être entièrement suspendu à l’autre, entièrement dépendre de ses humeurs, désirs, non-désirs, de sa présence, de son absence ... C’est comme si l’autre était la vie et que sans lui on meurt sur place ... Je ne sais même pas si c’est de l’amour ... A la réflexion, tous ces états passionnel, ces hauts et ces bas, ce feu et cette glace ... j’ai l’impression que ça n’est pas vraiment de l’amour, ça n’est au fond qu’un besoin et l’on vit en fonction de son besoin et non en fonction de l’autre ... On croit qu’on vit en fonction de l’autre ... On veut tout faire par rapport à lui, on veut tout donner - enfin on ambitionne de lui donner tout: tout ce qu’on aimerait, tout ce qu’il aimerait ... Mais en fait, c’est pour calmer son besoin à soi.

Michel FIELD : C’est plus du besoin que du plaisir ?

Françoise HARDY : Il y a aussi du plaisir puisqu’il suffit que l’autre apparaisse pour être dans un état de complétude, de bonheur, simplement du fait qu’il soit là ...
Michel FIELD : Pourquoi se mettre dans un état où l’on sait d’emblée qu’on va perdre ?

Françoise HARDY : On ne calcule pas que l’on va perdre quand on est jeune, même si on se sent perdant ...

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