Françoise HARDY : Je parlais de mes jeunes années. J’ai dit justement qu’aujourd’hui je suis consumée et aspire au calme. Je m’imaginerais mal revivre des situations, des états comparables à ceux que j’ai vécus pendant des années et qui font que je suis presque étonnée d’être encore là ...
Michel FIELD : C’était, c’est lié à un être précis qui actualisait finalement une certaine représentation de l’amour ...
Françoise
HARDY : Je pense que l’on a une sorte de problématique interne, ainsi
que certains modèles, liés aux images parentales, et que quand on
rencontre quelqu’un qui correspond aux modèles, aux images que l’on
porte inconsciemment en soi, la problématique se déclenche immédiatement
... Michel FIELD : Pourquoi une personne plus qu’une autre ? Françoise HARDY : Pourquoi se polariser sur un seul être ? Là on est presque dans une conversation psychanalytique, parce que c’est lié aux conditionnements de l’enfance. J’ai été élevée par une mère seule. Je n’avais personne d’autre: la seule personne à aimer était cette maman, qui de surcroît était très belle et très personnelle. Il n’y avait pas de père et je n’éprouvais pas de sentiments importants pour les quelques personnes autour de moi, ou alors des sentiments plutôt négatifs. Il n’y avait donc qu’une seule personne pendant toute mon enfance. |
Michel FIELD : On aurait pu imaginer que vous vous attachiez à une grande œuvre ?
Françoise
HARDY : Je peux dire oui et non, parce que la chanson ... il y a
plusieurs façons, il y a plusieurs types de chansons ... moi j’adore les
chansons légères qui procurent un plaisir de l’instant et j’en ai fait
évidemment, je crois, des chansons comme ça et j’en écoute aussi
beaucoup ... et puis il y a les chansons qui vont beaucoup plus loin,
qui sont beaucoup plus profondes, il y a des tas de chansons que tout le
monde connaît: de Léo FERRE, BRASSENS ou BREL, ou d’autres que je n’ai
pas en tête maintenant, et dans certaines des chansons que j’ai faites
dans ma vie, j’ai essayé - je ne sais pas si j’ai réussi et je ne veux
surtout pas me comparer aux grands artistes que je viens de citer - mais
j’essaie de mettre dans certaines chansons toute la profondeur dont je
suis capable. J’espère toujours rencontrer une musique qui ait en elle
la vibration nécessaire pour me permettre d’aller aussi profondément que
possible dans les sentiments que j’éprouve et dans leur expression. Michel FIELD : Y a-t-il des chansons d’autres personnes qui soient marquées à des instants précis ? |
Michel FIELD : Pourquoi riez-vous ?
Françoise HARDY : Parce que chaque fois que je dis que cela correspondait à une période difficile de ma vie personnelle, je réalise que ma vie personnelle a tout le temps été difficile. Il y avait donc cette chanson - ce n’est pas la seule, je n’y aurais pas pensé si vous ne m’aviez pas demandé une sorte de repère dans le temps par rapport à une chanson. Il y a des chansons comme ça qui vous font pleurer et ce sont des larmes à la fois de douleur et en même temps de cette espèce de bonheur que procure la sublimation d’une douleur, comme on la trouve dans des chansons ou dans toute autre forme d’art, d’expression artistique.
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