Françoise HARDY : De tout et de rien ... Si je vais au fond des choses, mais est-ce que - comment dire ? - ce ne sont pas mes mécanismes de défense qui se mettent en branle quand je dis ce que je vais dire, si je vais au fond des choses, je me dis: bon qu’est-ce qui est demandé finalement ? Finalement on est propulsé sur cette terre, on sait faire ci et ça, pas grand’ chose ... bon, moi c’est sûr que je suis complexée de ne savoir faire que, de temps à autre, un petit texte de chansonnette, et je me dis: bon, c’est ça que je sais faire, c’est ça qu’il m’a été donné de faire, alors quand je le fais, ce qu’il faut, c’est le faire le mieux possible. Faire le mieux possible ce qu’on sait faire. Point. Je me dis que ce n’est peut-être pas la peine de se torturer, de se dire finalement: qu’est-ce qu’a été ma vie, une bien petite vie ... si ce que je sais faire c’est des tartes aux pommes, et bien faisons-les le mieux possible, avec le plus d’amour possible. C’est déjà pas si mal.
Michel FIELD : Je ne vois pas trace de culpabilité ...
Françoise HARDY : Vous savez bien qu’il y a plusieurs personnes en chaque personne et j’ai donc utilisé celle qui est confortable ...
Michel FIELD : Et quand vous culpabilisez ? Est-ce qu’il y a un sentiment douloureux ? Françoise HARDY : Je me dis toujours, quand je pense à mon fils par exemple, que je n’ai pas donné assez ... J’ai l’impression qu’on ne donne jamais assez et, en même temps, c’est toujours un dialogue entre une partie de soi et une autre. Michel FIELD : Avez-vous assez reçu ? Françoise HARDY : Je crois que ma mère m’a beaucoup donné, mais d’un autre côté il y a aussi le pourquoi du don. Il y a des personnes pour qui donner correspond plus à leur besoin qu’au besoin de l’autre, et qui vont donner en fonction de leur besoin à elles, et non de celui de l’autre et elles vont donner trop, à tel point que l’autre va être accablé, se sentir redevable à vie, ce qui est aussi difficile à supporter. |
Michel FIELD : Vous avez le sentiment d’avoir fait souffrir autour de vous ?
Françoise HARDY : Oui ... Entre autre en refusant d’aller vers des gens qui venaient à moi et souhaitaient que j’aille à eux ...
Mais
dès que je sentais un décalage trop important entre l’affection, les
sentiments que l’on semblait me porter et ce que j’éprouvais moi-même,
je ne voulais pas entrer dans une relation qui me paraissait bancale dès
le départ. Je pense donc que j’ai fait du mal à ces personnes, mais
peut-être était-ce un mal pour un bien ... Michel FIELD : C’est arrivé souvent ? Françoise HARDY : Pas très souvent, parce que je me barricade beaucoup, ce qui fait que les personnes qui finissent par avoir accès à moi ont dû y mettre un acharnement déjà effrayant en lui-même. En général, ce sont les circonstances qui font que l’accès se fait, jamais une volonté forcenée de l’autre qui constitue la pire base à mes yeux pour une éventuelle relation. C’est facile de parler de ce type de souffrance infligée, que l’autre vous amène aussi d’une certaine manière à lui infliger, mais je crois que la souffrance fait partie de la vie et des relations humaines, qu’elles soient amoureuses ou amicales, quelles qu’elles soient. |
Michel FIELD : ....
Françoise HARDY : Je vais devoir monologuer puisqu’il se tait ... Il est atteint de mutisme ... En ce qui concerne les relations amicales ou amoureuses, il y a parfois des personnes qui veulent tout de vous, qui attendent tout .... j’arrête parce que ce que je dis n’a aucun intérêt ... une autre question ?
Michel FIELD : Finissez au moins la phrase ...
Françoise HARDY : C’est difficile parfois de choisir entre soi et l’autre. Il y a des personnes qui - pour des raisons X - ont un certain besoin de vous ... D’une certaine manière elles veulent prendre quelque chose de vous, sans rien donner en échange, si bien que vous êtes dans une situation où vous devez choisir entre vous et l’autre, tout en sachant que si vous vous choisissez vous, vous risquez de mettre l’autre dans une situation très pénible puisqu’il vous prend pour Dieu ... D’un autre côté, si vous choisissez la personne qui met tous ses espoirs en vous, vous y passez. Ça n’est pas intéressant ce que je raconte là , je l’ai déjà dit avant autrement .... Non ? Il me semble ... Il me sourit énigmatiquement, je ne dirai rien de plus ... ... Voilà: il y a des gens qui bouffent les autres et puis il y en a d’autres qui se font bouffer tout en pensant qu’ils pratiquent la charité chrétienne, alors qu’ils ne font que se faire bouffer. C’est très difficile de faire le distinguo, moi j’ai du mal à le faire ... Cette phrase était lumineuse ... Il me fixe d’une manière ... Je suis obligée de me tortiller sur mon siège ....
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