En 1988, Jean-Eric Perrin rencontrait Françoise Hardy à l'occasion de la sortie de l'album Décalages. Sa chronique est parue légèrement remaniée à l'intérieur du livre "J'ai encore esquinté mon vernis en jouant un ré sur ma Gibson" en mai 2009.
C'est le seul jour ensoleillé d'une saison morne : dans son jardinet soigné, Françoise Hardy, entre chat paresseux et mon enregistreur, assise sur une chaise métallique, sereine, un brin distante avec des éclairs d'impudeur qui ne font que passer... Elle a fait du thé, puis pose les tasses sans mot dire, sur une table de la tonnelle qui fait office de sas de décompression entre le salon aux murs noirs où la présence absente de Dutronc flotte comme une odeur de cigare froid, et le gazon sage, havre de verdure dissimulé des regards et de l'agitation de ce quartier du quatorzième arrondissement où le couple magnifique vécut de longues années.
Depuis quelques jours, Décalages, son dernier album, est dans les bacs. Un autre disque à ranger parmi tous ces autres albums chéris.
Elle en parlait souvent, mais là c'est définitif, tranchant comme un oukase, réfléchi et décidé, elle arrête. Et ça fait une impression bizarre à tous ceux qui, dès les années soixante-dix, se prenaient d'un amour immodéré, fidèle et exclusif pour la "grande Françoise", en même temps qu'ils écoutaient les Stooges, le Velvet Underground et tout ce rock dur mais fragile, sanguin mais intime. Apparemment ça n'avait rien à voir, on le cachait presque comme un péché honteux, ou bien on s'en vantait... Ce que fit le plus célèbre de ses aficionados, Etienne Daho, qui semblait n'attendre que la parole accordée à la gloire pour faire vibrer l'hommage de sa génération pour celle qui enchanta nos rêveries et nos doutes.
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