Il restait à Françoise à passer son épreuve de consécration définitive devant le tout-Paris. Là, on l'attendait. Une ancestrale tradition veut qu'un soir de première claironnée, tout ce qui a un nom dans le spectacle soit invité à se retrouver à l'orchestre : mille places gratuites pour les gloires défuntes ou toujours fraîches, pour les stratèges de l'édition musicale ou photographique, pour les météorologues de la chanson et pour les journalistes dont les articles du lendemain devront _ si possible _ exprimer quelque chose de personnel et _ obligatoirement _ d'anecdotique. Devant ce jury disparate, dont certains membres entendaient bien se payer du bon temps (ne serait-ce que pour amortir le prix de location de leur habit de soirée, réputé "de rigueur" sur les cartons), Françoise est apparue, forte d'un programme de neuf chansons, dont quatre inédites.
A la première, les gens ont applaudi du bout des doigts : cela laissait présager un succès. A la troisième ("Le premier bonheur du jour", un vrai chef-d’œuvre), les bravos se sont faits vraiment sonores : dans le contexte sociologique, cela équivalait à un triomphe. Quand les critiques publièrent leurs comptes rendus, la bataille était déjà gagnée pour Françoise Hardy. L'Olympia, entre-temps vibrait déjà des 1800 fauteuils de son vrai public, celui du samedi soir. Richard Anthony, vedette en titre de ce spectacle dont Françoise n'était que "l’américaine", pouvait se réjouir d'avoir fait confiance à cette consœur qu'il avait choisie. Bruno Coquatrix annonçait à Françoise : "Mon petit, tu devais durer un mois,. Mais nous savons déjà par la location que ce sera "bourré" tous les soirs. Alors nous prolongeons au moins pendant une semaine.". Et elle, si peu vedette, si peu monstre sacré _ ne disait-elle pas à la TV quelques jours avant : "Je ne suis pas solide..." _ a répondu : "Ce n'est sûrement pas pour moi qu'ils viennent. C'est pour Richard...". Il y a vraiment des succès qui font plaisir.
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