— Ce " Françoise Hardy Show " vous a valu d'enrichissantes rencontres ?
—
Il m'a permis de connaître Eugène Ionesco, dont j'admire profondément "
La Cantatrice chauve " et " La leçon ". M. Ionesco habite Montparnasse.
Koralnik a dit à cet homme de théâtre, d'une timidité inconcevable : "
Françoise rêve énormément. Comme vous êtes un spécialiste de l'onirisme,
vous allez échanger vos points de vue sur la science des rêves.
Moquez-vous de mes caméras. Imaginez quelles sont absentes. " " Je
prends un avion à midi " a répliqué Ionesco, blême de trac à la pensée
d'être filmé. A minuit, nous bavardions encore. M. Ionesco venait de me
promettre : " Je vais vous écrire des textes de chansons. "
— Dans cette production de Michèle Arnaud, vous avez également Bernard Buffet comme partenaire ?
—
Oui. Il assiste à un étrange " passage " : celui d'un couple — Udo
Jürgens et moi — qui s'acharne à vivre, dans sa réalité quotidienne, une
existence mythique, et qui, perdu dans ses fantasmes, parvient mal à
séparer le réel — le réel banal — de ses songes échevelés. Buffet a
l’œil absolu, le regard du peintre qui fixe " l'éternité dans un instant
".
— Vous dialoguez aussi avec Georges Brassens ?
— J'étais
tellement troublée par sa simplicité — moi qui le tiens pour un génie —
que j'ai ressenti une sorte de sentiment de l'absurde. Sensation
accablante : tout ce que j'expliquais — ayant trait à la chanson —
tombait à côté. Plus une flèche n'atteignait son but.
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144 brins de muguet
pour " Lady Françoise "
—
Ravi de son duo avec B.B. dans " Bonnie and Clyde " et de son tirage
exceptionnel, Serge Gainsbourg vous a rendu visite à Londres Avec les
mains pleines : d'airs et de poèmes que vous interpréterez demain
— Ils résultent d'un défi amical. Nous nous croisons, Serge et moi, la veille de Noël, dans un studio d'Europe Numéro 1
— " Alors, dis-je, de ma voix la plus humble, vous me refusez même une mini-chanson ? "
— " C'est vous, riposte-t-il, qui refusez de me chanter. "
Françoise
chantera Gainsbourg. Elle continuera à conduire sa Rolls gris métallisé
à parements bleus, mais pas à plus de 60 kilomètres à l'heure. Elle
achèvera de meubler " La Pia Rannella " (sa maison corse, au sud-ouest
de Calvi) dans un style mis à la mode par les ensembliers du XVIII
e
siècle : en éclairant de taches de couleurs bahuts et armoires. Elle ne
tournera pas un film sous la direction de Jean-Marie Périer, son
ex-fiancé : par crainte que cette épreuve ne soit pour lui un
crève-cœur. Par contre, elle sortira, longtemps encore, avec Jacques
Dutronc. Fin, spirituel, farfelu, ce copain l'amuse. Il lui a fait
porter, le 1
e mai, dans son appartement du Savoy, 144 brins de muguet, adressés à " Lady Françoise ".
" Lady Françoise " désormais, le Tout-Londres n'appelle plus qu'ainsi Miss Hardy.
Yves Salgues
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