Une personnalité qui assume son propre destin
La
vérité est que depuis 1966, Françoise Hardy est une tout autre jeune
femme. Auparavant, elle était un personnage. A présent, il s’agit d'une
personnalité qui assume son propre destin et que guide le sentiment
d’une ambitieuse escalade.
— Dans la chanson et tous ses
prolongements, il est impossible de réussir seule, observe-t-elle,
lucide et souriante. Le show business est régi par des rapaces qui
dévorent les mésanges : des Louis XV qui se jouent de leurs vassaux. Quoi
qu'il en soit, voici deux ans, un garçon au visage de clergyman —
portant vareuse noire et collerette blanche — a quitté son maître Johnny
Stark pour s’occuper exclusivement d'elle. Son nom : Lionel Roc. "
J'étais un assistant, déclare Lionel. Ma confiance en Françoise m'a, du
jour au lendemain, métamorphosé en pilote. Néanmoins, il faut tenir le
gouvernail à deux mains pour conduire ce bateau. " Il faut croire que ce capitaine de vaisseau a mené sa passagère à bon port. Analysons les résultats.
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Une mauvaise chanson s’étiole comme une fleur privée de lumière
—
Quelles raisons vous ont poussée, Françoise Hardy, à créer votre maison
de disques ? Et pourquoi l’avez-vous baptisée d'une marque insolite : "
Asparagus " ?
— Au lycée, mes camarades me surnommaient " l'Asperge "
: à cause de mon style longiligne, de ma démarche légèrement fatiguée.
Cela suffit à vous emprisonner dans une légende. " Asparagus " est une
réaction contre cette légende. Distribués par Vogue — la firme qui m'a
découverte et que je ne renie point — nous traitons pour l’étranger avec
United Artist's : département musical des célèbres Artistes Associés
fondés par Charlie Chaplin
— Il est curieux de constater que,
pour lancer votre marque et votre premier microsillon " Asparagus ",
vous ayez choisi, comme titre vedette, une mélodie datant de 1961 : " Ma
Jeunesse fout le camp ", qui fut écrite pour Jean-Claude Pascal ?
—
Il n'y a pas de vieilles ou de jeunes chansons. Ce qui les départage,
c'est la qualité. Une bonne chanson ne vieillit jamais. Par contre, une
mauvaise chanson s'étiole d’emblée, comme une fleur privée de lumière.
Autre exemple : si j'ai repris à mon compte " Les ronds dans l'eau " —
dont nous devons à Nicole Croisille la version originale — c'est que cet
air me convenait spécifiquement. Certaines de mes collègues peuvent
interpréter indifféremment les mélodies les plus diverses. Est-ce ma
force ou ma faiblesse : je possède un registre très restreint ? |
— Qu'est-ce qui détermine le choix de vos paroles et de vos musiques ?
—
Tout d'abord, le sentiment. Je suis moins une chanteuse de charme
qu'une interprète de situations amoureuses, de sujets passionnels. Sans
doute, cette recherche résulte-t-elle de ma nature passive ? C'est une
contradiction logique : je dois entrer en action tout de suite. Voilà
pourquoi un impératif catégorique commande tous mes textes, je ne
m'exprime qu'à la première personne. C'est la dictature du " je ", " Je
", " nous ", " tu ".
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