Cécile Wajsbrot : "La chanson "Un air de guitare", qui figure sur votre dernier album, décrit une sorte de lutte entre les mots et la musique. Le texte laisse paraître une méfiance vis-à-vis du langage, "poudre aux yeux", "grands mots qui vous noient dans l'égo" tandis que la musique donne "un parfum d'espoir", "une éclaircie". Dans la chanson, c'est la guitare qui a le dernier mot ! Ressentez-vous cette lassitude, parfois, vis-à-vis des mots _ de la parole _ une certaine vacuité, et une plus grande capacité de la musique à exprimer l'émotion ?"
Françoise Hardy : "On peut tricher avec les mots, mentir, manipuler et même quand on dit ce qu'on pense, on est souvent mal compris. On a beau parler la même langue, on n'a jamais le même langage et le filtre des émotions, des frustrations, des projections, etc. déforme à notre insu ce que l'autre nous dit, de la même façon qu'il fausse notre propre vision. Je l'aurai constaté toute ma vie, en particulier avec les journalistes qui, même quand ils sont très bien intentionnés, dénaturent vos propos sans s'en rendre compte avec une bonne foi renversante. A l’inverse, la musique ne peut pas tricher : elle est bonne ou elle est mauvaise et quand elle est bonne, elle est beaucoup plus l'expression de l'âme que celle de l'intellect et c'est à l'âme qu'elle s'adresse. Tant de gens se gargarisent avec des mots pour se sentir meilleurs, plus grands qu'ils ne sont, alors que devant la musique on se sent tout petit et pourtant on est heureux car la musique vous connecte à une dimension qui dépasse la condition humaine."
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire