samedi 4 novembre 2017

Interview pour Canal + - Partie 2

Gilles VERLANT : Vous vous réfugiez dans les livres et parmi vos premières lectures, on trouve des histoires très romantiques, des histoires d'amour absolu ...

Françoise HARDY : J'ai réalisé récemment que les premières lectures que j'ai faites et qui m'ont vraiment touchée étaient l'expression d'une problématique personnelle dont je ne pouvais absolument pas avoir conscience à l'âge où j'ai commencé à lire. Quand j'étais petite fille, je lisais des contes, en particulier "La petite sirène". Naturellement, je m'identifiais totalement à l'héroïne ... J'étais aussi fascinée par cet autre conte, moins connu, qui s'appelle "La dame au blanc visage", également une histoire d'amour impossible qui finit dans l'engloutissement général ... C'est un peu ce qui m'a poursuivi toute ma vie.

Gilles VERLANT : Qu'est ce qui vous a donné envie de chanter ?


Françoise HARDY : Je me suis toujours intéressée à la chanson comme mode d'expression : je me souviens que petite fille, j'achetais des partitions, des chansons telles que "La rue Saint Vincent" de Francis Lemarque ou "Je ne sais pas" de Jacques Brel. Je me chantais tout ça, dans ma chambre ... Puis à l'âge de 16 ans, j'ai découvert une station de radio anglaise qui diffusait du rock non-stop : Elvis Presley, Cliff Richard, les Everly Brothers, Paul Anka, ... J'en étais complètement passionnée. A tel point que je ne pouvais pas envisager mon avenir sans qu'il ait un rapport proche ou lointain avec ce type de musique. J'ai tout imaginé, je me suis rêvée en programmatrice radio, j'ai pensé que je pourrais travailler dans des éditions musicales. Puis quand j'ai passé mon Bac, mon père a voulu me faire un cadeau et j'ai choisi une guitare. J'ai découvert une méthode très simple, j'ai appris trois ou quatre accords et j'ai commencé tout naturellement à imiter les chansons que j'entendais sur cette station anglaise, en beaucoup moins bien évidemment.


Gilles VERLANT : Vous sortez votre premier Super 45 tours en 1962, à l'âge de 17 ans : il contient la chanson "Tous les garçons et les filles", un succès instantané, une chanson qui vous colle à la peau et que vous avez outrageusement dénigrée par la suite ...


Françoise HARDY : J'ai enregistré ce disque dans des conditions inimaginables aujourd'hui puisqu'on l'a fait en un après-midi ! A la sortie du 45 tours, j'en étais insatisfaite, notamment au niveau des arrangements. J'étais quand même contente que la chanson marche, qu'elle passe à la radio et encore plus contente qu'elle plaise à pas mal de gens. Le succès de cette chanson a été déterminant pour toute ma vie et si je semble dénigrer "Tous les garçons et les filles" aujourd'hui, c'est simplement parce que souvent, j'ai l'impression que les gens ne connaissent de moi que cette chanson. C'est frustrant quand on sait que j'en ai enregistré des centaines d'autres ... Sur le plan mélodique, ou sur le plan du texte, elle est carrément simplette !

Gilles VERLANT : Elle raconte une situation vécue par des générations entières de garçons et de filles, quand on est seul et qu'on voit les autres se balader à deux, amoureux ...

Françoise HARDY : Je me souviens de cette chanson de Paul Anka, qui s'appelle Lonely boy, où il disait "I'm just a lonely boy, lonely and blue / I'm all alone with nothing to do ..." Dans "Tous les garçons et les filles", je disais exactement la même chose ! Etant donné tout ce qu'on m'avait seriné dans mon enfance sur ma laideur extrême, je ne pouvais pas imaginer que je vivrais quelque chose, que j'aurais quelqu'un dans ma vie ... Cette chanson exprime le désarroi d'adolescentes qui sont convaincues qu'elles ont un physique ingrat !

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