mardi 28 février 2012

Françoise Hardy par François Jouffa (1ère partie)

En 1994, François Jouffa publiait le livre Vinyl Fraise dans lequel il passait en revue les années 60. Découvrons sa présentation de Françoise Hardy

Françoise, les téléspectateurs la découvrent pour la première fois le 18 novembre lors d'un intermède, avant les résultats des élections législatives (progression des gaullistes au détriment des socialistes, disparition de l'extrême-droite). D'emblée, nombreux sont ceux qui voient en elle une nouvelle Juliette Gréco, un Georges Brassens au féminin. Musicologue éclairé, Jean-Claude Berthon, dès le début de l’été, avait écrit dans Disco Revue à son sujet :
« Avec son premier disque, elle retient l'attention. Ses paroles apportent quelque chose de neuf dans la chanson française. En somme, ce sont ses propres problèmes amoureux qu’elle nous expose. Elle vous transportera réellement dans votre monde à vous. Certainement la plus belle voix en France. »

Vinyl Fraise - Françoise Hardy

Daniel Filipacchi, de son côté, la matraque dans " Salut les Copains " à partir de juillet. L’important, avec cette belle fille, c’est qu’elle chante ses propres chansons comme Marie-Josée Neuville cinq ans plus tôt. Tout de suite, elle met les points sur les “ i ” alors qu'on est encore en pleine période twist :
« Pour moi, il faut distinguer la chanson du twist. Des trucs comme Viens Danser Le Twist ne présentent aucun intérêt pour moi. Ce sont uniquement des disques pour danser. Il y a, d’une part, le twist et, d’autre part, ce que je pense faire, de la chanson où l’on peut dire quelque chose qui se tient. Je ne veux pas dire par là que j’ai l’impression d’apporter un message. J’essaie seulement de raconter une histoire ou de traduire un état d’âme. »

En mars 1960, elle a seize ans. Après avoir réussi son bac, elle achète une guitare et prend des cours au Petit Conservatoire de la chanson qu’elle considérera toujours comme une bonne école. La chanteuse Mireille, la directrice, lui avait affirmé :
« On ne peut pas dire que votre conviction vous étouffe. Vous avez confiance en votre avenir comme un condamné à mort dans le sien. Et, pourtant, je crois que vous pouvez faire quelque chose, ma petite. »

samedi 25 février 2012

Françoise Hardy par Jean-Eric Perrin (2ème partie)

En 1988, Jean-Eric Perrin rencontrait Françoise Hardy à l'occasion de la sortie de l'album Décalages. Sa chronique est parue légèrement remaniée à l'intérieur du livre "J'ai encore esquinté mon vernis en jouant un ré sur ma Gibson" en mai 2009.

J'écoutais Françoise Hardy depuis toujours, mais le lien avec Daho, à travers Françoise, s'était fait plus précis un soir de décembre,où, transis de froid parce qu'il n'avait pas les moyens de payer le chauffage, nous avions écouté, la nuit durant, des EP de cette chanteuse partagée, assis par terre, enroulés dans des duvets. Daho ignorait encore, en ce jour glacial de 1978, qu'il serait lui-même chanteur (à succès), quelques années plus tard. Outre Françoise, il était fan absolu des Stinky Toys, le fier étendard de la punkitude bourgeoise parisienne. Je commençais, tout juste à piger pour Rock & Folk depuis quelques semaines, et ma spécialité était justement cette nouvelle scène française post-punk. J'étais moi aussi très fan des Toys, pour leur flamboyance réelle et le son approximatif. Devenu rock critic, j'étais amené à les croiser dans les soirées folles du demi-monde électrique de la capitale, où j'étais dorénavant invité, et j'avais bien accroché avec leur manager d'alors.

Françoise Hardy - Etienne Daho

Quand il m'avait proposé de les accompagner pour essayer de placer quelques lignes dans Rock & Folk sur leur concert de Rennes, j'avais accepté d'emblée ! (...) Passé de Rock & Folk à Best, en 1982, je trouvais chez Christian Lebrun, rédacteur en chef fin et cultivé, un autre amateur secret de Françoise Hardy, qui ne se fit pas prier pour m'envoyer l'interviewer pour ce numéro de septembre 1988, où elle voisinait avec Daho (!)...
On avait pris l'habitude, de temps en temps, au fil des ans, de découvrir un nouveau recueil de chansons mises en lumière par cette voix unique. Finalement, la qualité des enregistrements comptait peu, seule importait la soyeuse caresse de la voix. Une fois qu'on y avait succombé, c'était pour la vie. Et depuis les glorieuses sixties où elle avait alimenté le répertoire de pépites mythiques, elle avait finalement, pour une apparente indolente, travaillé comme une cosaque. Tout au long des seventies, tandis que les yéyés naufrageaient, elle avait maintenu le cap, depuis son populaire Message Personnel , en 1973, créé avec Michel Berger.

mardi 21 février 2012

Françoise Hardy parle Cinéma pour Première (1ère partie)

Pour le numéro de Septembre 1990, le magazine Première donnait la parole à Françoise Hardy pour qu'elle donne son avis sur quelques films d'hier et d'aujourd'hui.

Françoise Hardy semblait très heureuse de se prêter au jeu de la "Projection privée". D'autant que l’interprète de "Comment te dire adieu", "Tous les garçons et les filles" ou l'auteur de "Fais-moi une place", est une fidèle lectrice de "Première". Installés dans les fauteuils noirs de la maison peinte en noir (c'est impressionnant !), notre entretien s'est déroulé sous l’œil du chat, Cassette.
Cette assidue du cinéma, qui regrette la disparition de la salle de son quartier, n'a pas pris de gants. Même si elle regrette de ne pas avoir eu la liste avant, "pour pouvoir revoir les films", elle commente instantanément les titres proposés. Hésitant rarement, s’enflammant souvent, comme pour parler, au gré de la conversation, hors liste, du "Ventre de l'architecte" ou de "Monsieur Hire", des films qu'elle aime beaucoup. Sa franchise et sa passion interdisaient l'interview "J'aime beaucoup j'adore"...
Du coup, ce fut drôle, troublant, captivant et surtout surprenant. A l'image de ce coup de téléphone qu'elle a donné, quelques heures plus tard, pour affiner son commentaire sur "Birdy"....


Première - Mauvais Sang - Françoise Hardy

Mauvais Sang de Leos Carax (1986)
En France, on a des réalisateurs qui ont des histoires ou des dialogues intéressants mais qui, sur le plan de la forme, pèchent complètement. Comme Bertrand Blier qui ferait mieux de faire tourner ses dialogues par d'autres. Et puis, on en a d'autres qui ne se préoccupent que de la forme, comme Jean-Jacques Beineix, Leos Carax... Je préfère ces derniers parce que "Mauvais sang", ou "La lune dans le caniveau", dont j'ai entendu dire qu'on leur reprochait un manque de fond, d'histoire ou de dialogues, sont d'une telle beauté, d'une telle originalité formelles qu'à la limite on n'a pas besoin d'histoire. C'est un cinéma qui suggère des émotions ou des rêves et que j'aime beaucoup. Cela dit, mon bonheur est complet quand la forme et le fond sont réunis.

samedi 18 février 2012

Françoise Hardy & Alain Chamfort dans le Figaro Magazine (1er extrait)

En décembre 2005, Françoise Hardy et Alain Chamfort étaient réunis pour une interview commune dans les colonnes du Figaro Magazine.

Le Figaro Magazine : "Vous souvenez-vous de votre première rencontre ?"

Alain Chamfort : "Ce devait être en 1967-1968, dans un studio. Jacques (Dutronc, NDLR) enregistrait son premier album. Je faisais partie du groupe de musiciens, Les Mods, qui l'accompagnait pour sa promotion. Nous avions été repérés quelques mois plus tôt au Golf Drouot par un type de Vogue."

Françoise Hardy : "Tu avais l'air d'un premier communiant et moi, d'une oie blanche !".

Le Figaro Magazine : "Vous reconnaissez-vous des points communs musicaux ?"

Françoise Hardy : "Nous sommes de la même famille mélodique qui privilégie les ballades mélancoliques et intimistes. Nous serions incapables de chanter Que je t'aime !".

Françoise Hardy et Alain Chamfort

Alain Chamfort : "J'ai l'impression que nous avons chacun fait notre parcours en tenant davantage compte de notre sensibilité que de la mode. Nous n’avons pas cherché à plaire au plus grand nombre".

Le Figaro Magazine : "Vous n'avez pas non plus des voix très puissantes...."

Françoise Hardy: "J'aurais aimé avoir une voix plus performante, qui m'obéisse mieux. Je suis incapable de chanter une chanson sans en avoir noté les repères, faute de quoi je me plante dans la mesure. Le public qui chante avec le chanteur de façon improvisée me stupéfie toujours."

Alain Chamfort : "Quand on me demande de chanter à un mariage, je n'y arrive pas, je me sens mal."

mardi 14 février 2012

Françoise Hardy et Thomas Dutronc dans Mères et fils (3ème partie)

En 2008, Françoise Hardy et Thomas Dutronc discutent ensemble à l'instigation des sœurs Massenet qui retranscrivent la rencontre dans un chapitre de leur livre "Mères et fils".

Thomas : Enfant, je n'avais pas l'impression d'être le fils de gens connus. J'ai un souvenir qui date de ma classe de onzième, j'avais six ans. Des gens son venus me dire : "Ah, t'es le fils de Machin !". Des garçons des classes au-dessus, et des filles aussi. A part ça, je pense que j'avais conscience d'être différent, mais dans le bon sens. Ça me faisait presque rouler des mécaniques. Mais tout ça est très périphérique dans la vie d'un enfant. Ma vraie passion, c'était les Lego et les Playmobil... La notoriété de mes parents, franchement, je m'en fichais.

Françoise : D'autant plus qu'on avait une vie très... banale. je veux dire qu'on était tout le temps là. Son père n'était pas souvent là dans la journée, mais il était toujours là pour dîner.

Thomas : Oui, le soir. Il râlait un peu, il ronchonnait.

Thomas Dutronc enfant

Françoise : Comme dans toutes les familles. Moi, j'étais là tout le temps. Ta grand-mère venait les après-midis pour que je puisse travailler un peu. Et il me semble que quand tu as vraiment compris ce qu'on faisait, tu as trouvé qu'on était beaucoup trop normaux pour des vedettes. Tu as trouvé qu’on avait une vie vraiment morne. (Elle rit.) Ce qui était vrai, d'ailleurs ! Enfant tu étais très câlin et en même temps très déterminé. Tu savais ce que tu voulais et ce que tu ne voulais pas. On ne pouvait pas tellement t'influencer.

Thomas : D’ailleurs, je n'ai pas voulu aller à l'école tout de suite.

Françoise : Oh oui, ça a été un souci ! Forte de mes informations astrologiques, je m'étais dit : "un Gémeaux, il doit aimer les copains et tout ça..."

samedi 11 février 2012

La discographie des années 60 en 45 tours (année 1966)

Suite de la saga des 45 tours français des années 60 de Françoise Hardy.

Époque : 1966 !

A nouveau une année très chargée pour Françoise Hardy : participation au concours de la chanson italienne de San Remo (avec à la clé la découverte de Il ragazzo della via Glück qui deviendra La maison où j'ai grandi soleil ), photographie de groupe pour Salut les copains (la "photo du siècle" clown ), tournage de Grand prix (avec l'intermède de mai avec la bise à Dylan à l’Olympia clap ), séparation d'avec Jean-Marie Périer, retrouvailles avec le public de l'Hôtel Savoy de Londres en costume Yves Saint Laurent affraid , un "Hardy" Show sous la patte de Jean-Christophe Averty amour et même une campagne de promotion américaine…. danse

Le début de l'année permet à Françoise Hardy de renouer avec le public italien pour qui elle grave spécialement quatre titres en deux SP (Nel mondo intero, Parlami di te, Ci sono cose piu grandi, Non svegliarmi mai) qui resteront inédits en France. Et nous alors ? colere

Côté France, il faut attendre le mois de juin pour la sortie du premier EP de l'année mais quelle bel EP ! (La maison où j’ai grandi, Tu verras, Il est des choses, Je ne suis là pour personne). ouais

1966
juin septembre
octobre


En septembre, la frustration est levée avec la sortie de l'album anglais "In English" avec 12 chansons dont seulement 7 sont inédites en France (Autumn rendez-vous , It's getting late, It's my heart, Just call and I'll be there, Say it now, The rose, This little heart). Pas de quoi vraiment crier de joie puisque ce ne sont que des adaptations de chansons déjà enregistrées en français mais la dimension internationale est enfin plus clairement affichée même en France ! tapis roulant

Une nouvelle fois, la fin de l'année donne lieu à la sortie simultanée de deux EP et d'un album qui paraissent en octobre. Les 45 tours comportent les titres : Je changerais d'avis, Comme, Rendez-vous d'automne, Peut-être que je t'aime pour l'un et Si c'est ça, Surtout ne vous retournez pas, Je serai là pour toi, Qu'ils sont heureux pour l'autre. chevalier

L'album, reprend l'intégralité des titres des 45 tours les plus récents auxquels sont ajoutés deux titres sélectionnés sur l'EP de juin (La maison où j'ai grandi et Il est des choses) ainsi que deux inédits (Mes jours s'en vont, Tu es un peu à moi). génial

Et hop ! Fin prête pour une tournée de promotion cinématographique aux USA pour Grand-Prix aux côtés d'Yves Montand.... jongleur

mardi 7 février 2012

Françoise Hardy dans Ciao Amici en 1965 (dernier extrait)

En 1965, le journal italien Ciao Amici évoquait un accident automobile dans lequel Françoise venait d'être blessée.

Ce qui suit est également vrai : Françoise ne supporte pas qu'on s’attroupe autour d'elle comme si elle était un animal rare de jardin zoologique. "Je ne suis pas encore un monument dit-elle avec colère quand elle se laisse aller aux confidences. Je voudrais que chacun me traite comme une bonne amie avec qui on se dispute peut-être si c'est nécessaire et avec qui tout de suite après on fait ensemble une excursion quelque part...".

Bobby Solo aussi pourrait dire quelque chose en faveur de Françoise. Il se rappelle de la fois où elle l'a appelé à Paris pour chanter à "Musicorama." Etaient également présents les Rolling Stones et un parterre de blousons noirs qui commença à siffler pour interrompre le spectacle. Alors Françoise s'est mise debout et a commencé à applaudir et à crier : "Bravo Bobby" en entraînant tous les autres avec elle.

Comment ? Vous dites que j'ai un faible pour Françoise ? Ben, c'est vrai : j'ai un faible. Mais je l'aurais pour n'importe quelle personne capable de porter un corset orthopédique qui continue à faire le tour du monde pour honorer ses engagements, en passant une journée à un gala de la Croix Rouge de Monte Carlo pour repartir ensuite le soir même dans un avion loué par Richard Anthony pour être à temps à Rome.

C'est une question de sérieux professionnel. Et aux gens sérieux, les garçons, il est bon de le faire, je tire mon chapeau, même si parfois ils sont incapables de trouver la force de plier leurs lèvres dans le sourire qu'ils ressentent du fond du cœur et qu'une étrange et incompréhensible force retient prisonnier avec vigueur.

Bobby Solo - Françoise Hardy

Texte d'origine : Anche questo è vero : Françoise non sopporta che tutto le stiano attorno come a un animale raro, da giardino zoologico. "Non sono ancora un monumento – dice con rabbia quando si lascia andare alle confidenze. – Vorrei che tutti mi trattassero come una loro buona amica, con la quale magari si litiga se è necessario e con la quale subito dopo si fa une gita insieme da qualche parte...".Anche Bobby Solo potrebbe dire qualcosa a favore di Françoise se ricorda la volta che lo chiamarono a Parigi per cantare in "Musicorama". C'erano anche i Rolling Stones e i blousons noirs della platea cominciarono a fischiare per interrompere lo spettacolo. Allora Françoise scatto in piedi e comincio ad applaudire e a gridare : "Bravo Bobbi" trascinando tutti gli altri con sè.Comme ? Dite che ho un debole per Françoise ? Bè, è cosi : ho un debole. Ma l'avrei per chiunque debba tenersi imbustata in un corsetto ortopedico e continui ugualmente a girare il mondo per mantenere fede ai suoi impegni, contando un giorno al gala della Croce Rossa di Montecarlo e partendo poi la sera stessa con l'aereo noleggiato da Richard Anthony per essere in tempo a Roma.Questa è serieta professionale. E alla gente seria, ragazzi, è bene fare tanto di cappello, anche se qualche volta non riescono a trovare la forza di piegare le labbra in quel sorriso che hanno dentro il cuore e una strana, incomprensibile forza tiene prigioniero."

samedi 4 février 2012

Françoise Hardy par Jean-Eric Perrin (1ère partie)

En 1988, Jean-Eric Perrin rencontrait Françoise Hardy à l'occasion de la sortie de l'album Décalages. Sa chronique est parue légèrement remaniée à l'intérieur du livre "J'ai encore esquinté mon vernis en jouant un ré sur ma Gibson" en mai 2009.

C'est le seul jour ensoleillé d'une saison morne : dans son jardinet soigné, Françoise Hardy, entre chat paresseux et mon enregistreur, assise sur une chaise métallique, sereine, un brin distante avec des éclairs d'impudeur qui ne font que passer... Elle a fait du thé, puis pose les tasses sans mot dire, sur une table de la tonnelle qui fait office de sas de décompression entre le salon aux murs noirs où la présence absente de Dutronc flotte comme une odeur de cigare froid, et le gazon sage, havre de verdure dissimulé des regards et de l'agitation de ce quartier du quatorzième arrondissement où le couple magnifique vécut de longues années.

Françoise Hardy

Depuis quelques jours, Décalages, son dernier album, est dans les bacs. Un autre disque à ranger parmi tous ces autres albums chéris.
Elle en parlait souvent, mais là c'est définitif, tranchant comme un oukase, réfléchi et décidé, elle arrête. Et ça fait une impression bizarre à tous ceux qui, dès les années soixante-dix, se prenaient d'un amour immodéré, fidèle et exclusif pour la "grande Françoise", en même temps qu'ils écoutaient les Stooges, le Velvet Underground et tout ce rock dur mais fragile, sanguin mais intime. Apparemment ça n'avait rien à voir, on le cachait presque comme un péché honteux, ou bien on s'en vantait... Ce que fit le plus célèbre de ses aficionados, Etienne Daho, qui semblait n'attendre que la parole accordée à la gloire pour faire vibrer l'hommage de sa génération pour celle qui enchanta nos rêveries et nos doutes.