jeudi 30 mars 2017

3 avril 1963 - Capri N°88

Pleins feux sur... FRANÇOISE HARDY ET CLAUDE NOUGARO

Récemment interviewée, Françoise Hardy a avoué que son chanteur favori était Claude Nougaro, le créateur d'"Une petite fille". Il n'a pas fallu plus pour que Maurice Biraud invite les deux révélations de la chanson au micro de "Carrousel", la populaire émission de Radio-Luxembourg.


Parlant de Nougaro, Françoise a dit en riant : "Je l'aime comme un grand frète". En entendant cela, Claude a promis d’écrire une chanson spécialement à l'intention de sa "petite sœur"...

mardi 28 mars 2017

Automne 1964 - Exaltations à Londres

FRANÇOISE HARDY
On a dit récemment qu'en France son étoile - sans se ternir pour autant - ne brillait plus de feux nouveaux. On lui a reproché de s'exiler à Londres pour enregistrer ses dernières chansons et de préférer l'Europe à Paris. Qu'en est-il ? Françoise fait le point.

- Vous revenez de Londres, Françoise Hardy. Le but de votre voyage ? Des chansons, bien sûr ?
- Oui, je viens d'enregistrer aux studios Pye un 33 tours en langue française, avec onze titres nouveaux. Si j'ai choisi Londres plutôt que Paris, c'est que je n'ai plus, en France, d'arrangeur attitré. Avant, je travaillais exclusivement avec Marcel Hendrix ; à présent, son travail ne me satisfait plus. Alors j'ai pris un compositeur anglais de vingt-quatre ans, Charles Blackwell, qui a écrit "Tchin-Tchin" pour Richard Anthony et, pour moi "Je veux qu'il revienne", dont j'ai signé les paroles. Tous les textes des chansons sont de moi, sauf celui de "Mon amie la rose", qui est de Cécile Caulier.


- Est-ce un tournant dans votre carrière ?
- J'ai horreur de parler de mes chansons nouvelles. Ce n'est pas à moi de les juger, mais au public. Comment un artiste peut-il affirmer, à l'avance, qu'il a évolué ? En règle générale, mes dernières chansons sont toujours mes préférées. Parmi celles-ci j'ai un faible pour "Dans le monde entier", un slow qui coule doucement, et que je considère musicalement comme ma meilleure. Je l'ai écrite à Bruxelles, au mois d'avril, en m'aidant de ma guitare, dans ma salle de bains de l'hôtel Amigo, où je descends chaque fois que je viens à Bruxelles.

- Dans l'ensemble, les onze titres de ce recueil satisfont votre conscience professionnelle !
- Je les ai enregistrés en trois jours, à toute allure, comme d'habitude. Comme d’habitude, je me suis juré que je travaillais pour la dernière fois dans un tel climat d'urgence et de folie. Comme habitude, le disque terminé, j'ai éprouvé un sentiment de joie profonde. Voir une chanson naître et se concrétiser - note par note, mesure par mesure - c'est ce qu'il y a de plus exaltant pour moi.

mardi 21 mars 2017

Mars 1963 - Albert Simonin et Françoise Hardy - 4ème partie

A.S. - Je constate que vous avez déjà des tourments et c'est ça, peut-être, le mal de la jeunesse, le vrai. Par exemple, les paroles de votre dernière chanson...
F.H. - Ma dernière chanson s'appelle "L'amour s'en va" et je dis : "L'amour s'en va et le tien ne saurait durer. Comme les autres, un beau jour tu vas me quitter."

A.S. - C'est triste ça ?
F.H. - Oui et non.
A.S. - Vous travaillez dans le genre mélancolique !
F.H. - J'aime ça.

A.S. - Je trouve que ces paroles que nous venons d'entendre ont une résonance romantique qui me plait beaucoup. C'est une bonne inspiration, profonde et humaine, et bien féminine. Voilà des qualificatifs qui vont compromettre Françoise Hardy dans l'esprit des jeunes !
Françoise Hardy éclate de rire.

A.S. - Croyez vous à l'amour ?
F.H. - (Soupir.) Oh oui, énormément ! Je suis bien jeune, je crois, pour en parler, pour l'éprouver... Non, forcément ! Parce qu'on peut éprouver ça à n'importe quel âge, à partir de l'âge de raison.

A.S. - Et c'est important pour vous, l'amour ? Parce que moi, ça m'a amené bien des traverses que je n'arrive pas à regretter, et c'est ça le plus curieux.
F.H. - Oh oui, c'est très important. Mais pour moi, actuellement, la chanson, c'est un petit peu plus important.

A.S. - Que pensez-vous du mariage ?
F.H. - C'est uniquement utile quand on veut avoir des enfants, c'est tout.

A.S. - Et vous avez envie d'avoir des enfants ?
F.H. - Pas pour le moment.

A.S. - A mon avis, le mariage est un état nécessaire, pas seulement pour avoir des enfants, mais pour trouver un équilibre.
F.H. - Moi, je n'y crois pas à l'équilibre dans le mariage.
A.S. - La joie de vivre, qu'est-ce que c'est, pour vous ?
F.H. - Pour moi, c'est très égoïste : c'est faire ce qui me plaît et, en dehors des chansons, rendre heureux quelqu'un, par exemple.

A.S. - Pour moi, c'est réussir un travail convenable et, en effet, pouvoir maintenir sa famille à 37° en faisant trois repas par jour, dans un confort relatif. Ceci posé, à quoi vous intéressez-vous en dehors de la chanson ?
F.H. - Je n'ai pas de temps libre. Mais si je pouvais, j'aimerais étudier l'astrologie.

samedi 18 mars 2017

Mars 1963 - Albert Simonin et Françoise Hardy - 3ème partie

A.S. - Mais je crois qu'en règle générale, les jeunes auteurs de chansons, cette nouvelle école, emploient une langue plus pure.

F.H. - Enfin moi, je ne prétends pas apporter un message ou des trucs comme ça, mais simplement, quand je fais une chanson, je traduis soit un état d'âme, ou je raconte une histoire. J'essaie vraiment de ne pas dramatiser, de raconter comme ça, simplement parce que c'est sans importance dans l'absolu.

A.S. - De notre temps, les artistes ne démarraient pas aussi rapidement qu'à présent. Cela est dû tout de même à des phénomènes nouveaux : la grande diffusion de la radio, de la télé et du disque, qui n'existaient pas alors. Or, autrefois, les gens qui faisaient carrière dans la chanson devaient d'abord s'affirmer sur les planches du café concert, longuement, avec des paliers très lents. La lutte était pour eux, vraiment, je crois, très difficile. Auriez-vous lutté comme ça, Françoise Hardy ?
F.H. - Je ne sais pas, vraiment, je ne peux pas savoir.

A.S. - Si ça n'avait pas marché très vite, comme ça, pour vous, auriez-vous continué ?
F.H. - Je crois que j'aurais continué... Mais c'est facile à dire, maintenant que ça a marché. Moi, ça a été tout seul et ça me fait très peur parce que je suis d'abord une inquiète. Tout est un peu une question de mode et en ce moment, justement, tout va tellement vite. Il y a des plus en plus de nouveaux chanteurs, de nouvelle chanteuses et plus ça ira...

A.S. - Mais compte tenu du fait que vous avez une forme qui s’approche de la forme classique, vous êtes plus apte à un renouvellement que ceux dont je parlais tout à l'heure et qui ne travaillent que dans le "oua-oua " et le " dou-dou " et vraiment là, le jour où ça s'écroule... pour eux c'est rôti, ils peuvent aller se rhabiller, à la chaine chez Renault, et c'est terminé, fini.
F.H. - Oui, mais j'ai beaucoup de mal à me renouveler en ce moment, alors ça m'inquiète. J'ai la hantise de ne pas pouvoir me renouveler, de ne plus avoir d'idée, parce que tout a été dit, en fait.

A.S. - Mais il ne faut pas que vous ayez peur ! Tout de même, vous n'avez que dix-huit ans.
F.H. - Oui...

mercredi 15 mars 2017

Mars 1963 - Albert Simonin et Françoise Hardy - 2ème partie

A.S. - Et que pensent-ils (vos grands-parents) du twist ?
F.H. - Avant ils ne s'y intéressaient pas et maintenant, ils écoutent la radio. Et vous, que pensez-vous des twisteurs ?
A.S. - Je les admire et je les envie... C'est surtout mes jambes qui me trahissent. Quand je les vois s'agiter, je suis mort de jalousie. J'aime beaucoup la musique twist. Je suis tout de même d'une génération qui a vu naître le jazz ! et quand on a eu jeune ce virus, on le conserve, même quand les rythmes se modifient. Je trouve le twist parfait, à condition de pouvoir le danser. C'est vraiment très douloureux d'être sur un tabouret de bar, d'avoir des impulsions internes et de dire : "C'est pas la peine de te mettre dans le bal, tu vas être ridicule".

F.H. - Oh ça, il ne faut pas me parler de jazz parce que j'y connais franchement rien. J'aime assez ça, mais vraiment de loin. Ce que je fais, je pense, c'est de la chanson.
Je trouve qu'il faut distinguer la chanson où vous pouvez dire quelque chose qui se tient, et d'autres où vous dites : "Viens danser le twist avec moi", ou d'autres trucs comme ça : ça ne présente aucun intérêt, sauf pour danser.

A.S. - On peut prévoir alors que vous pourriez écrire, et même que vous écrirez certainement des choses presque romantiques sur d'autres rythmes ?
F.H. - C'est d'ailleurs ce que je fais en ce moment, je crois...

A.S. - Je trouve ça extrêmement intéressant, parce qu'il y a surtout l'annonce d'un renouvellement. D'abord, les chansons actuelles (certaines, pas toutes évidemment, parce qu'il y a aussi des chansons faites uniquement d'onomatopées qui sont peu recommandables)...
F.H. - ... il y a toujours eu des bonnes et des mauvaises chansons.

samedi 11 mars 2017

Mars 1963 - Albert Simonin et Françoise Hardy - 1ère partie

Spécial Jeunes
Pour inaugurer ce premier cahier "Spécial Jeunes", deux générations se sont rencontrées, Françoise Hardy vous représentait. Albert Simonin, l'homme du "Grisbi", du "Mouron" était le porte-drapeau des "croulants". Et c'est lui qui a ouvert le feu...

Albert Simonin. - Une chose me surprend : maintenant on parle des jeunes...
Françoise Hardy. - C'est très agaçant d’ailleurs. On ne parle que de ça...

A.S. - C'est un phénomène nouveau d'être jeune. Depuis la création du monde, les gens ne se sont jamais sentis jeunes, ils ont senti à un instant qu'ils n'étaient plus jeunes. Moi, j'ai eu sept ans, vingt ans, et c'est vers la quarantaine que je me suis aperçu que je n'étais plus jeune.
Mais jamais, à dix-huit ans, il m'est venu à l'idée que j'étais un jeune. Cette notion nouvelle me trouble beaucoup.
F.H. - Ce que vous dites, je pense que c'est dû au fait que tout va de plus en plus vite.

A.S. - Vous avez conscience, vous, d'être jeune ?
F.H. - Oh oui ! alors ; j'ai conscience que le temps passe vite et qu'on n'est pas jeune longtemps. Enfin, pour moi, les plus belles années de la vie, c'est entre seize et vingt ans, si vous voulez.

A.S. - C'est très révélateur ce que vous nous dites là, Françoise Hardy, parce que vous, vous semblez appréhender le passage d'un certain cap...
F.H. - Oui, oui...

A.S. - ... Alors que, à l'époque où j'étais jeune sans le savoir, nous n'avions qu'une hâte, c'était vieillir. Le garçonnet de douze ans attendait d'en avoir quatorze pour avoir des pantalons longs, on attendait sa vingtième année pour être émancipé. Maintenant, c'est l'inverse.
F.H. - Oui. Et j'ai l’impression que les jeunes qui m'entourent sont comme moi, sur ce plan-là.

A.S. - Que pensez-vous des croulants ?
F.H. - Je pense que les "croulants" ont beaucoup trop de complexes et surtout celui d'être croulant...

A.S. - On a fatalement le sentiment du vieillissement et c'est ce qui fait, en partie, ce divorce des générations : on ne se sent pas vieillir.
F.H. - Il y a des moments quand même où on s'en rend compte !
A.S. - Oui, par exemple quant on marche, quand on monte un escalier. Mais, dans le contact humains, on se croit de plain-pied avec un être de vingt ans et c'est là où l'erreur est terrible.
F.H. - En quoi pensez-vous qu'il y ait une erreur là ?

A.S. - Quand je suis en présence d'un garçon de vingt ans ou d'une jeune fille de vingt ans, je ne trouve pas le contact.
F.H. - Peut-être parce que vous ne prenez pas le temps de le trouver ?
A.S. - Mais je ne peux pas marcher sur les mains, ni faire des sauts périlleux ! Je suis tel que je suis avec toute le monde et, à partir d'un certain âge, je ne trouve plus le contact. Alors il y a une espèce de défiance qui est extrêmement pénible.
F.H. - Je ne me suis jamais tellement posé le problème. En fait, je ne connais pas tellement de personnes vraiment plus âgées que moi. Je veux dire que je suis surtout entourée de gens ayant dix ou vingt ans de plus que moi et ça marche très bien ! Peu m'importe que la personne ait quatre-vingt-dix ans ou qu'elle ait dix-huit ans, si ça "colle". C'est une question de contact.
A.S. - Vous trouvez le contact avec des personnes beaucoup plus âgées que vous ?
F.H. - Non, je ne peux pas vous dire cela parce que je n'en connais pas justement. Dans ma famille, il y a évidemment mes grands-parents...

mardi 7 mars 2017

Novembre 1991 - Entretien au moment de la sortie de Notes Secrètes

En lisant un article de Guillemette de Sairigné paru fin 1991, j'ai été interpelé par ce que disait Françoise Hardy à l'époque : elle évoquait notamment à mots couverts l'existence de son récit "L'amour fou" interloqué et avouait avoir parfois aimé la scène affraid ....

Je retranscris ici quelques propos recueillis lors de cet entretien.





Vous confirmez dans ce texte avoir souffert d'une "timidité pathologique" : pourquoi accepter de vous livrer ainsi ?
Je n'ai pas voulu ce livre, je ne vois même pas d'un strict point de vue commercial qui il peut intéresser, mais bon, je me suis laissé faire. Pour ce qui est de me livrer, il y a bien plus de moi dans la plupart des textes de mes chansons.


Un jour, vous envisagez d'écrire vos souvenirs ?
Sûrement pas. (Silence.) J'ai bien commencé un récit il y a longtemps, une sorte de longue analyse de situations, de sentiments, d'émotions...


Comment la musique est entrée dans votre vie ?
L'année de mes dix-huit ans, j'ai téléphoné à une maison de disques - Vogue, celle de Johnny Hallyday - pour passer une audition. Ça se faisait beaucoup à l'époque, il n'y avait pas le même embouteillage que maintenant. Évidemment, j'étais persuadée que ça raterait comme tout ce que je faisais...

Vous n'avez vraiment jamais aimé faire des spectacle ?
Vers la fin peut-être, parce que j'avais de bons musiciens derrière moi, trois choristes, une tenue de Courrèges dans laquelle j'étais bien. Mais je n'ai jamais été une artiste de scène : j'étais trop limitée vocalement avec des problèmes de souffle en rapport avec les rigidités héritées de l'enfance. Et puis physiquement, je ne savais pas bouger avec mon corps.


Les stars, pour vous, n'ont pas tous les droits ?
Mais, je ne me suis jamais sentie telle ! Peut-être parce que fondamentalement j'ai plus une âme de fan que de vedette. Si j'ai eu envie de faire quelque chose dans la chanson, c'était par amour de ce mode d'expression mais aussi dans l'espoir de rencontrer des artistes qui me fascinaient.