samedi 29 décembre 2012

Les chansons de l'album "l'amour fou" - Soie et fourrures

Le 5 novembre 2012 sortait L'amour fou, le nouvel album de Françoise Hardy. Profitons de l'occasion pour passer en revue les 10 chansons de l'opus.

Aujourd'hui : Soie et fourrures

La musique est de Thierry Stremler et les paroles de Françoise Hardy.

Françoise Hardy évoque la tragédie d'une femme qui affiche aux yeux du monde l'apparence d'un bonheur resplendissant alors qu'en privé elle endure mille souffrances ("Sous les parures, la dentelle, des forces obscures contre nature la malmènent, l'écartèlent"). Le jeu des apparences conduit la femme à l'abnégation absolue en contrepartie de l'espoir de recevoir quelques signes d'amour, même infimes, de son partenaire-tortionnaire ("Mieux valent les miettes qu'il lui laisse, mieux valent sa geôle et sa laisse qu'un air sans l'oxygène de leurs "je t'aime" sans lumière).

Cette chanson est celle dont l'essence se rapproche le plus de l'esprit de l'héroïne du roman "L'amour fou" de Françoise Hardy : Incapable de mettre un terme à une relation amoureuse pourtant déséquilibrée et insatisfaisante ("Son enfer reste le lieu sûr, les quatre murs qu'elle préfère... Rien à faire..."), la femme préfère se sacrifier _ quitte à subir les pires humiliations _ pour pouvoir bénéficier des dérisoires gestes d'amour, réels ou supposés, que lui manifeste son partenaire.


Pour rendre la situation socialement acceptable, la femme montre en toutes circonstances un visage aimable donnant l'impression trompeuse d'une situation idyllique et enviable. ("Derrière le masque, la vitrine", "Nul n'a idée des mensonges, des impostures qui la rongent derrière les apparences", " Toujours garder le sourire et l'air d'être charmée, heureuse, aimée, solidaire".)

Si la situation peut faire penser à la relation complexe qui aura lié Françoise Hardy à Jacques Dutronc pendant des décennies, elle peut aussi mener, à tort ou à raison, à d'autres couples emblématiques (comme par exemple celui qui liait il y a peu encore Anne Sinclair à Dominique Strauss-Kahn). Par certains aspects, la situation décrite touche à l'universel en évoquant la difficile cohabitation de la sauvegarde des apparences avec le mystère de l'alchimie des couples. Balzac n'écrivait-il pas : "En amour, il y en a toujours un qui souffre et l’autre qui s’ennuie" ?

La musique souterraine de Thierry Stremler renforce le côté obscur et machiavélique de la situation en distillant une mélodie entêtante et insistante. De mon point de vue, cette chanson est musicalement la plus captivante de l'album.

mardi 25 décembre 2012

La musique ne peut pas tricher (1er extrait)

En 2005 Françoise Hardy accordait une interview à Cécile Wajsbrot pour la revue annuelle Fusées.

Cécile Wajsbrot : "L’ordre des chansons, dans un album, vous préoccupe-t-il ? Cela fait-il partie, pour vous, du travail artistique, est-ce vous qui en décidez ? Par exemple, dans le dernier, Tant de belles choses, on a le sentiment d'une progression, d'une sorte de lente descente, partant d'un apaisement donné (ou plutôt acquis, gagné) par la proximité de la mort pour revenir à la vie, et donc à la douleur, aux sentiments..."

Françoise Hardy : "L’ordre est capital : Ce qui le guide est avant tout la nécessité sinon que chaque chanson mette en valeur celle qui lui succède, tout au moins qu'aucune chanson n'écrase l'autre. Derrière une chanson aussi forte et aussi produite, avec autant de synthétiseurs que Tant de belles choses, par exemple, il fallait mettre une chanson d'un tout autre style tant sur le plan mélodique et rythmique que sur celui de la réalisation. La réalisation d' A l'ombre de la lune, une petite bossa nova pleine de charme, est minimaliste, mais assurée par de très bons musiciens.

Françoise Hardy

L'ensemble "tourne" remarquablement bien et tient donc la route derrière le poids lourd qu'est Tant de belles choses. Il ne fallait surtout pas mettre derrière ça Sur quel volcan ou Tard dans la nuit, deux mélodies fortes mais sous-produites avec des synthétiseurs et sans le "plus" qu'apportent en principe de bons musiciens. D’autres facteurs dictent l’ordre. Quand une chanson est trop différente du reste et n'a pas les qualités requises pour s'y intégrer, comme Côté jardin, côté cour, il vaut mieux la mettre en dernier, ou en premier, comme Tant de belles choses, dont la production ne ressemble en rien à celle du reste de l'album. Tant de belles choses est en premier parce que c'est une chanson forte. Coté jardin, coté cour en dernier parce que, comparativement, c'est une chanson faible. Aussi, quand une chanson est très lente et très triste, il vaut mieux qu'elle soit encadrée par des chansons un peu plus légères ou dynamiques. C'est ainsi que La folie ordinaire est encadrée par Grand hôtel et Un air de guitare. Ce sont donc uniquement des critères de nature musicale qui dictent l'ordre. Pour mon nouvel album, cet ordre s'est imposé de lui-même. Mais ce qui est évident pour soi ne l'est pas forcément pour les autres, en particulier pour les compositeurs. Jusqu'à présent j'ai toujours réussi à avoir le dernier mot."

samedi 22 décembre 2012

Les chansons de l'album "l'amour fou" - Pourquoi vous ?

Le 5 novembre 2012 sortait L'amour fou, le nouvel album de Françoise Hardy. Profitons de l'occasion pour passer en revue les 10 chansons de l'opus.

Aujourd'hui : Pourquoi vous ?

La musique est de Calogero et le texte de Françoise Hardy.

Une femme réfléchit à l'objet de son amour sans parvenir à totalement discerner les racines de cette passion. (L'aime-t-elle pour ce qu'il est ou pour l'image qu'il représente ?) Elle savoure la chance sans prix d'éprouver des sentiments intenses, qu'elle aspire à vivre uniquement dans le secret de l'intimité pour en préserver la saveur, l'intensité et la pureté.

Françoise Hardy s'appuie sur la musique de Calogero pour jouer sur les contrastes de l'intimité discrète (où seul le piano s’exprime) et de la fulgurance de la passion (où l'orchestre se laisse emporté par le lyrisme).


Françoise Hardy est sensible à la difficulté de l'être humain de savoir vivre un amour vrai où l'être aimé peut s'épanouir. Elle évoque cette problématique d'entrée par un clin d’œil à "Vous", la chanson de Guy Béart ("Ce que j'aime en vous, c'est vous"...) : "J'ignore si ce que j'aime en vous c'est vous".

Étonnamment, alors que le livret du CD évoque : "Lever le voile pourrait gâcher tout ce qui nous lie de loin ou de près", la chanteuse chante des paroles légèrement différentes : "Lever le voile aurait gâché tout ce qui nous lie de loin ou de près". Non seulement l'intimité est susceptible d'aiguiser la qualité de la relation mais elle en est aussi la seule garante... Pour vivre heureux, vivons cachés.

Une réflexion belle et émouvante sur l'amour passion d'une vie.

mardi 18 décembre 2012

Françoise Hardy répond à The Independent (5ème extrait)

Le 5 février 2005, paraissait une interview de Françoise Hardy accordée au journal The Independent.

Avec l'indépendance, certains ont affirmé qu'Hardy est devenue distante. En effet, l'atmosphère tendue lors de l'enregistrement de son album 1977, Star, avec l'arrangeur Gabriel Yared a conduit certains à lui faire référence en tant que « reine de glace ». Aujourd'hui, elle semble attachée à sa vie privée, peut-être un peu sèche parfois, mais certainement pas froide.

"Qu'est-ce que veut dire le mot « aloof »? " demande-t-elle. Quand notre traducteur lui explique, Hardy répond : "Je peux paraître parfois distante si je me sens mal à l'aise, mais dans une situation comme celle-ci où vous êtes sur mon territoire, je suis parfaitement à l'aise. Quand Radiohead a joué à Paris j'ai été tellement impressionnée par Thom. Yorke que je ne me sentais pas capable de lui parler beaucoup, alors peut-être qu'il m'a trouvée froide. Le problème, c'est qu'il est timide, aussi. J'ai passé l'essentiel de la soirée à discuter avec le guitariste Ed [O'Brien]. Avec lui, c'est très facile. "

Ed O'Brien - Françoise Hardy - Thom Yorke

Texte original : " With Hardy's independence, some claimed, came an aloof manner. Indeed, the strained atmosphere during the recording of her 1977 album, Star, with arranger Gabriel Yared led some to refer to her as an "ice queen". Today she seems mindful of her privacy, maybe a little dry at times, but certainly not cold."What is this word 'aloof'?" she asks. When our translator explains, Hardy responds: "sometimes I might seem aloof if I feel uneasy, but in a situation such as this where you are on my territory, I'm perfectly at ease. When Radiohead played Paris I was so impressed with Thom Yorke that I didn't feel able to talk with him much, so maybe he thought me cold. The problem is that he is shy, too. I spent most of the evening chatting with the guitarist Ed [O'Brien]. He's very easy to be with." "

samedi 15 décembre 2012

Les chansons de l'album "l'amour fou" - Piano bar

Le 5 novembre 2012 sortait L'amour fou, le nouvel album de Françoise Hardy. Profitons de l'occasion pour passer en revue les 10 chansons de l'opus.

Aujourd'hui : Piano bar

La musique est d’Alain Lanty et le texte de Françoise Hardy.

Dans une ambiance feutrée, une femme inverse le mythe du ver de terre amoureux d’une étoile… C’est l’objet de son cœur qui incarne le rêve inaccessible alors qu’elle-même se sent totalement insignifiante. On peut y voir une sorte de prolongement de la chanson Grand hôtel de l'album Tant de belles choses où dans une atmosphère identique, une femme espérait secrètement être séduite par un homme mystérieux. Si dans Grand hôtel, l'idylle sentimentale semblait encore envisageable malgré la fuite du temps, dans Piano bar la femme préfère y renoncer d'elle-même.

Après l’agitation de Normandia, Piano Bar permet à l’auditeur de trouver une plage de calme portée par la musique lentement chaloupée d'Alain Lanty. L'ambiance musicale symbolise le détachement sentimental forcé qu'éprouve la femme vis à vis de l'homme de ses pensées. Le rythme lent et régulier semble en parallèle marquer l'inexorable marche du temps.


La femme bouleversée et émue à l'idée de se retrouver seule à seul avec un homme très attirant (qu'elle semble aimer depuis longtemps) s'interroge sur les possibilités de concrétisation et de pérennité de cet amour.

Parant l'homme de mille qualités ("un ange tombé du ciel","Il vient vers moi, le jour se lève") et d'un pouvoir de séduction intense et universel ("Trop de gens autour de lui","Point de mire des cœurs transis" ), elle réalise que son amour est voué à l'échec ("Quelle folie de vous aimer ainsi").

Elle prend donc la décision salvatrice de s'éclipser et de renoncer à sa "folie". ("Mieux vaut partir, fuir très loin d'ici, loin de lui") tout en conservant son souvenir comme une joie aussi fulgurante qu'intense ("Étoile filante dans ma nuit").

Après un rêve éveillé, qu'il lui est difficile d'être raisonnable et lucide quand son cœur bat à plein régime !

mercredi 12 décembre 2012

Françoise Hardy dans "Femmes de, Filles de" (8ème extrait)

En 2005 Valérie Domain nous proposait les portraits de femmes d'influence dans son livre Femmes de, Filles de. Un chapitre était consacré à Françoise Hardy.

La Corse, pourtant, est initialement l'île de Françoise. C'est elle qui y acheta un terrain en 1966 alors qu'elle était avec Jean-Marie Périer. De la même façon qu'elle a voulu se mettre au service de Jacques, elle s'est laissé influencer par son premier amour. Jean-Marie lui a conseillé d'y faire construire, elle l'a fait. Il lui a proposé de dessiner les plans de sa maison, elle l'a laissé faire. Mais, au fond, elle n'apprécie pas vraiment les grands espaces, encore moins de se sentir isolée. Jacques, lui, est dans son élément. Alors la maison de Françoise est devenue celle des copains de Jacques. C'est là-bas, pour autant, que leur romance a débuté.

Françoise Hardy

Avec le temps, elle s'y rend de moins en moins. De fait, leur relation a changé : "Nous sommes comme frère et sœur", dit-elle. A Paris, elle ne risque rien. Elle se rassure avec un régisseur à sa porte, un vigile dans le couloir vingt-quatre heures sur vingt-quatre : "Quand on vieillit, on en a besoin", relève-t-elle simplement. La vieillesse, elle en parle sans peine mais un peu douloureusement. "Je ne pense pas trop à demain, poursuit Françoise, car à mon âge, c'est un peu effrayant. Je me sens comme sur un fil, la maladie me fait peur."

Si elle sort, ça la fatigue. Aujourd'hui, son monde tournerait presque autour d'une verre de bon vin. Du bordeaux de préférence. Elle consulte ses mails, le soir. Elle se cuisine des légumes frais, se choisit un film avant la nuit afin d'être certaine de se coucher tôt. Car, au petit matin, on peut la croiser en forêt, "un passe-temps récent" qui a le mérite de la sortir de ses bouquins.

samedi 8 décembre 2012

Les chansons de l'album "l'amour fou" - Normandia

Le 5 novembre 2012 sortait L'amour fou, le nouvel album de Françoise Hardy. Profitons de l'occasion pour passer en revue les 10 chansons de l'opus.

Aujourd'hui : Normandia

La musique et le texte sont de Julien Doré.

Le texte joue à plein la carte de la poésie. En associant une kyrielle de métaphores Julien Doré prend le risque de rendre les paroles quelque peu hermétiques. La mélodie ondoyante et la sonorité des mots permettent cependant à l'auditeur de s'échapper du sens réel du texte pour se tourner vers le rêve grâce à une musique envoûtante.

Pour la mélodie, Julien Doré a repris le bref instrumental Normandia, le meurtre qui figurait sur la bande originale du film Holiday de Guillaume Nicloux. Le développement de cet instrumental (qui durait à peine une minute à l'origine) aboutit à une chanson nostalgique et poignante qui est l'un des points forts de l'album.

La chanson évoque une femme qui se penche sur son passé. Elle se souvient de son innocence et de sa pureté originelle, alors qu'elle était peu consciente du chemin de croix qui accompagnerait les blessures de cœur de toute une vie. Elle se remémore le goût de la passion et les souffrances de sa jeunesse. Et forte de son expérience, elle ironise sur les folies de ses battements de cœur tout en semblant paradoxalement en regretter l'ivresse.


Au début de la chanson, la femme évoque avec amertume toutes les déchirures et les trahisons de la vie ("Des adieux à la chaîne", "Des messages où l'on ment") et décrit avec une complaisance cynique les codes fatalement décevants de l'amour ("Coule la langue amère apprise aux filles sur les bancs").

Elle ironise ensuite sur les souffrances engendrées par ses emballements sentimentaux d'hier ("Pleure mon cœur imbécile") qui ont détruit son innocence et ses rêves d'absolu ("Cueille mon cœur dans ces lignes les fleurs fanées dans les blancs").

Se sentant proche de la mort, elle se ressaisit, renonce à l'ironie et aspire à retrouver sa pureté originelle ("Je redonne à la mer nos visages d'enfants"). La passion amoureuse prend alors une nouvelle dimension ("Et quand la mort nous dessine, c'est avec l'encre bleue des amants"). A elle seule, elle justifie l'existence dont elle est à la fois l'essence et le but. ("Dans nos éclats de verre, vient mourir l'océan où l'on aime, nage ou crève").

Alors après s'être moquée de ses battements de cœur ("Pleure mon cœur imbécile), elle les encourage ("Cours mon cœur imbécile") et les regrette intensément (Cours mon cœur en exil). Tout est dit.

La chanson se termine par un simple murmure "Mmm Mmm". Il remplace des mots incapables d'exprimer avec acuité la sensation de plénitude qui envahit la femme qui a su percé le sens de la vie.

mardi 4 décembre 2012

Françoise Hardy dans Big (5ème extrait)

En 1965, le magazine Big (numéro 21) annonçait la venue prochaine de Françoise Hardy en Italie..

" Que lisez-vous ? "
" Des livres d'histoire et de médecine. "

" Vous êtes toujours amoureuse de Jean Marie Périer ? "
" Quel temps fait-il à Rome ? Ici il pleut ".

" Est-ce que vous vous êtes jamais demandé pourquoi vos chansons plaisent aux gens ? "
" Si je le savais, je ferais une chanson par jour ".

" Vous aimez flirter ? "
" Quel temps fait-il à Rome ? Ici il pleut ".

" Qu'est ce que ça vous fait d'être devenue une vedette si jeune ? "
" Je ne me sens pas une vedette. Si vous saviez la vie que je mène... "

" Quel genre de vie aimeriez-vous ? "
" Vous vivez la vôtre, je vis la mienne ".

Françoise Hardy

Texte d'origine :
"Che cosa leggi ?"
"Libri di storia e di medicina".
"Sei sempre innamorata di Jean-Marie Perier ?"
"Che tempo fa a Roma? Qui piove".
"Ti sei mai chiesta perchè le tue canzoni piacciono alla gente?"
"Se lo sapessi, farei una canzone al giorno".
"Ti piace flirtare ?"
"Che tempo fa a Roma? Qui piove".
"Che cosa provi nel sentirti diva, cosi giovane?"
"Non mi sento diva. Se sapessi la vita che faccio…"
"Che vita fai?"
"Tu fai la tua che io faccio la mia"

samedi 1 décembre 2012

Les chansons de l'album "L'amour fou" - Si vous n'avez rien à me dire

Le 5 novembre 2012 sortait L'amour fou, le nouvel album de Françoise Hardy. Profitons de l'occasion pour passer en revue les 10 chansons de l'opus.

Aujourd'hui : Si vous n'avez rien à me dire

La musique est de Bertrand Pierre sur un texte de Victor Hugo (adapté par Françoise Hardy).

Le texte d'origine est extrait des Contemplations (quatrième poème issu du chapitre L'âme en fleur du tome Autrefois). Dans L'âme en fleur, Victor Hugo exprime en poèmes ses sentiments naissants pour sa jeune protégée Juliette Drouet. En 2008, le chanteur Bertrand Pierre, admirateur de cette poésie amoureuse, sort un double album (Autre chose) mettant en musique seize de ses poèmes. Parmi eux figure l'adaptation musicale de Chanson, qui prend le titre de son premier vers (Si vous n'avez rien à me dire). C'est cette version que Françoise Hardy inscrit aujourd'hui à son répertoire.

La chanson est très émouvante grâce à une interprétation légère et délicate, emplie de doute, d'espoir, d'inquiétude. L’interprète se pose des questions sur les motivations de la venue de son partenaire tout en lui confiant entre les lignes mais avec grande clarté ses sentiments amoureux naissants. Elle souhaite ainsi obtenir une réponse explicite à l'éventuelle existence d'un sentiment réciproque. L’ambiguïté entre amitié et amour doit être levée.

La musique tout en douceur et quiétude diffuse une certaine sérénité propice aux confidences.

Pour féminiser le texte, Françoise Hardy doit retoucher un vers :
" Pourquoi me faire ce sourire qui tournerait la tête au roi ? " devient sous sa plume " Pourquoi me faire ce sourire dont la douceur m'emplit d'émoi ? ".

Mais.. Françoise ne se contente pas de cette unique retouche indispensable. Elle propose d'autres modifications qui lui permettent de mieux s'approprier la chanson, quitte à quelque peu chahuter le texte de Victor Hugo.



Ainsi, elle remplace par des paroles alternatives certaines répétitions présentes dans le poème :
- Le bis de " Si vous n'avez rien à me dire pourquoi venir auprès de moi " est remplacé par " Si vous n'avez rien à m'offrir qu'un peu de trouble de désarroi".
- Celui de " Si vous n'avez rien à m'apprendre, pourquoi me pressez-vous la main " est changé en " Si vraiment je ne peux m'attendre qu'à des instants sans lendemain ".
- Le rappel de " Si vous voulez que je m'en aille, pourquoi passez-vous par ici " devient " Si vous n'avez rien à m'offrir que tout ce trouble ce désarroi ".
On peut noter que le "peu" de trouble est devenu "tout" entre le début et la fin, un peu comme si ce sentiment s'exacerbait à mesure que la chanson progresse.

Malicieusement, Françoise Hardy retouche aussi deux autres vers :
- " Sur le rêve angélique et tendre, auquel vous songez en chemin " devient " A quel rêve angélique et tendre avez-vous songé en chemin ". (L'affirmation devient une question...)
- " Lorsque je vous vois, je tressaille " est transformé en " Lorsque je vous vois, je défaille ". (Si les hommes osent éventuellement avouer qu'ils peuvent tressaillir, les femmes ont quant à elle la permission d'aller plus loin et de pleinement défaillir...)

Tout en conservant le questionnement sur la réciprocité de l'amour, les retouches de texte apportées par Françoise Hardy accentuent l'expression des sentiments ressentis par la chanteuse. Les états d'âme gagnent en explicitation et se glissent dans l'univers traditionnel de la chanteuse.