samedi 30 décembre 2017

Françoise Hardy dans Hep Taxi ! - 3ème extrait

Jérôme Colin : Si vous n’aviez pas pu ?
Françoise Hardy : Mais vous savez...

Jérôme Colin : Mais si vous n’aviez pas pu physiquement d’avoir un enfant ?
Françoise Hardy : Eh bien je n’en aurais pas eu. J’en aurais adopté un.




Jérôme Colin : Vous ne pouvez pas comprendre ce besoin ... ce besoin peut être égoïste, mais d’avoir un enfant et de faire un trajet de vie ….
Françoise Hardy : Dès qu’il y a un excès pareil dans un besoin, on peut être sûre que le parent est déséquilibré et on peut être sûre que ce déséquilibre, il va le transmettre à son enfant

Jérôme Colin : Mais non !
Françoise Hardy : Et puis, on sait aussi que la grossesse, ce n’est pas anodin. Vous imaginez un enfant qui se développe dans le corps d’une autre et puis qui est élevé par une autre. Enfin bon...

Jérôme Colin : Oh ben, regardez aujourd’hui dans un monde moderne, on a des familles recomposées décomposées. Le fait d’adopter …
Françoise Hardy : le fait d’utiliser un être humain pour satisfaire son désir omnipotent. Moi franchement, ça me dégoûte. Je trouve ça horrible.

Jérôme Colin : Moi je trouve que le désir d’enfants, il est effectivement égoïste, mais en même temps, il est…
Françoise Hardy : non, mais vous savez….

Jérôme Colin : Mais vous savez de génération en génération.
Françoise Hardy : Vous savez, il est naturel. Un désir d’enfant est naturel. Il n’est plus naturel à partir du moment où on est prêt à emprunter des voies absolument pas naturelles et je dirais même contre nature pour exaucer ce désir. La mère porteuse, c’est contre nature.



Jérôme Colin : Si on vit sans enfants, est-ce qu’on ne vit pas seul, Françoise ?
Françoise Hardy : Mais on peut en adopter des enfants

Jérôme Colin : Oui mais vous comprenez ce besoin, je pense, pour les gens d’avoir…
Françoise Hardy : Oui mais, si .. Vous savez tout le monde a des besoins, des désirs, etc. Il faut avoir des besoins et des désirs ajustés à la réalité. Si la réalité vous refuse d’avoir un enfant, eh bien il faut déplacer de la manière la plus équilibrée et la plus saine possible ce désir. Soit en vous occupant d’autres enfants. Vous savez, il y a toujours des enfants qui ont besoin qu’on s’occupe d’eux.

Jérôme Colin : Oh ça, c’est sûr. Oh ça, c’est sûr !
Françoise Hardy : (rire)

samedi 23 décembre 2017

Françoise Hardy dans Hep Taxi ! - 2ème extrait

Jérôme Colin : Comment on fait à votre avis ? Je suis papa aussi de jeunes enfants, comment on fait pour donner les armes à un enfant pour qu’il trouve justement son chemin tout seul et le bonheur tout seul ? Ah c’est difficile !
Françoise Hardy : Moi, je ne sais pas parce que nous les parents, nous sommes des êtres humains comme les enfants d’ailleurs, et nous ne sommes pas parfaits. Donc, nous les éduquons avec tous nos défauts et surtout nos contradictions. Je crois que les contradictions, c’est ce qu’il y a de plus difficile à gérer pour un enfant. Vous savez quand un parent par exemple… Euh quand sa parole exprime quelque chose et que son visage exprime autre chose. On sait que ça, ça génère des troubles importants chez les enfants. Mais moi, il me semble que, quand on est à soi-même à peu près cohérent, à peu près correct… Voilà, il me semble que c’est la meilleure des choses pour l’enfant. Mais malheureusement, tous les parents ne sont pas comme ça. Ne sont pas équilibrés et ils n’ont pas tous les moyens d’abord de s’en rendre compte. Et ensuite de se soigner…



Jérôme Colin : En même temps, on ne fait pas des enfants à notre image, non plus. On fait de notre mieux, et puis des fois, ça ne va pas.
Françoise Hardy : Oui, d’accord. Mais vous avez des parents qui croient aimer leurs enfants et qui au nom de l’amour finalement font plus de mal que de bien. Déjà, dans le fait… euh là puisque je vois qu’il y a un livre d’Arthur Jdanov, c’est ça ? Oui, c’est ça. C’est dans Arthur Jdanov que j’ai appris ça. Ça m’a paru tellement lumineux que j’ai adhéré à ce qu’il disait. Il disait que la névrose, elle naît bien avant la naissance. Elle naît déjà dans les raisons pour lesquelles les parents vous font. Si tant est qu’il y a des raisons. Et par exemple, quand je vois des femmes qui veulent un enfant à tout prix, qui sont prêtes à passer par des mères porteuses pour avoir cet enfant à tout prix, je me dis qu’elles pensent à leur désir. Elles sont complètement sous la coupe de leur désir, et jamais elles ne pensent à l’enfant. Enfin moi, c’est mon avis. Je sais … Thomas me reproche d’avoir des avis radicaux. C’est un avis radical. Je l’exprime tel quel. Je suis scandalisée par l’histoire des mères porteuses. J’ai appris que Nadine Morano était pour et qu’elle-même n’aurait pas hésité et n’hésiterait pas à être mère porteuse pour sa fille. Je trouve tout ça, mais alors … mais alors…



Jérôme Colin : C’est vrai...
Françoise Hardy : Mais ça m’indigne au dernier degré !

Jérôme Colin : Mais vous n’avez pas eu une folle envie d’enfants. Votre ventre à un moment ne vous a pas dit : Françoise…
Françoise Hardy : Jamais je ne serais passée par une mère porteuse. Encore moins si ça avait été ma mère. Mais quelle horreur !

samedi 16 décembre 2017

Françoise Hardy dans Hep Taxi ! - 1er extrait

En septembre 2009, Françoise Hardy prenait le taxi de Jérôme Colin pour l'émission Hep Taxi de la RTBF.

Jérôme Colin : Bonjour
Françoise Hardy : Bonjour. En avant ! Je ne sais pas où. … Je n’ai aucune force… Faible femme que je suis, faible femme… (rire)

Jérôme Colin : Ça commence bien !
Françoise Hardy : Mais surtout après une heure de train, on est tellement avachis...

Jérôme Colin : Ah c’est vrai. En même temps avant, ça en prenait 3
Françoise Hardy : C’est une horreur. Comment ?

Jérôme Colin : Ça prenait 3 heures
Françoise Hardy : Alors, on devait être trois fois plus avachis. J’ai connu d’ailleurs ces temps lointains et proches en même temps.

Jérôme Colin : Quel beau cliché, hein !
Françoise Hardy : Cliché c’est sûr, beau je ne sais pas !


Jérôme Colin : J’ai déjà conduit votre fils Thomas.
Françoise Hardy : Oui, j’ai vu l’émission car j’ai une relation qui travaille à Bruxelles et qui m’a envoyé très gentiment le DVD. Donc, j’ai regardé ça il y a déjà un certain temps, et j’avais trouvé ça très très bien. Je l’avais appelé pour lui dire que j’avais trouvé ça très très bien. Chaque fois qu’il fait quelque chose, je l’appelle. Je ne l’appelle pas souvent, mais chaque fois qu’il fait quelque chose et que je le vois, j’appelle pour lui dire que c’était très bien.

Jérôme Colin : C’est vrai ?
Françoise Hardy : Oui

Jérôme Colin : Vous êtes maman collectionneuse des articles sur votre fils, etc. ?
Françoise Hardy : Euh... Oui et non. Surtout quand il fait des choses à la télévision, ça m’embête de les rater. Et je trouve de dire que c’est bien, de dire comment on a trouvé les choses parce que moi-même étant dans des émissions depuis très longtemps… On sort de là plein de doute. On ne sait pas si c’était bien ou si ce n’était pas bien. Encore maintenant ça me réconforte d’avoir des avis extérieurs, soit parce que les avis sont meilleurs que les miens, soit parce que justement ils confortent mon avis. Que mon avis soit bon ou mauvais. Ce n’est pas la question

Jérôme Colin : C’est l’immense fierté quand même...
Françoise Hardy : Oh oui, oui, je suis très fière de lui. C’est vrai ! Surtout je suis contente parce que je crois que quand on est parent, la chose qui inquiète le plus, c’est que son enfant n’arrive pas à se réaliser comme il le souhaite. C’est quand même la chose la plus importante dans la vie parce qu’on a l’impression que tout découle de là. Si on n’arrive pas à ça, si on va d’échecs en échecs, eh ben finalement, on a du mal à avoir une vie personnelle équilibrée. La santé s’en ressent aussi au bout d’un moment. Enfin, j’ai l’impression que c’est la première chose…

dimanche 10 décembre 2017

Interview pour Canal + - Partie 12

Gilles VERLANT : On peut en détailler quelques titres, comme le premier morceau qui a été extrait de cet album, "Mode d’emploi" ...

Françoise HARDY : Une chanson qui parle de communication ; parfois on parle et puis la communication ne se fait pas, soit parce qu’on parle pour ne rien dire, soit parce qu’on parle pour cacher certaines choses, soit parce que l’autre interprète ce que vous dites de travers. Et puis il y a d’autres moments où l’on ne dit rien par peur de se trahir et ce silence même vous trahit ... La communication, c’est quelque chose qui me préoccupe beaucoup parce que j’ai extrêmement peur des malentendus.

Gilles VERLANT : Un de mes titres préférés, "Un peu d’eau" ...

Françoise HARDY : Un peu d’eau parle des larmes, de quelqu’un, un homme, qui a du mal à pleurer. Les hommes ont souvent ce problème, alors que les femmes c’est le contraire, elles pleurent trop, parfois pour se décharger des problèmes, parfois pour manipuler ... La chanson parle du refus des émotions et des sentiments, le refus de l’amour qui dessèche certaines personnes au point qu’ils ne pleurent jamais ou pas assez. Dans ce contexte, l’eau des larmes est une eau de vie.


Gilles VERLANT : Dans "Les madeleines", vous vous moquez des hommes qui se font manipuler ...

Françoise HARDY : La mélodie est très naïve et tout naturellement, ça m’a inspiré un texte sur la naïveté. J’ai vu autour de moi pas mal d’hommes se faire piéger par des petites bonnes femmes extrêmement malignes. Ils sont piégés en fait par leur orgueil ou leur vanité : ils croient être amoureux, alors qu’ils sont seulement accros à l’image flatteuse, toute-puissante d’eux-mêmes, que l’autre a su leur renvoyer pour mieux les ligoter.

Gilles VERLANT : On va terminer par cette chanson qui moi aussi me file le bourdon, "Je t’aimerai toujours pour deux" ...

Françoise HARDY : En amour, la réciprocité, même quand elle semble exister, n’est jamais totale, je pense qu’il ne faut pas la rechercher à tout prix. Balavoine avait écrit une chanson magnifique sur ce sujet : l’important, n’est pas tellement d’être aimé, l’important c’est d’aimer ...

mardi 5 décembre 2017

Interview pour Canal + - Partie 11

Gilles VERLANT : Alors, parlons enfin de ce dernier album qui en a dérouté plus d’un ... une pochette en noir et rouge, des guitares saturées et un titre qui veut tout dire, "Le danger" ...

Françoise HARDY : Ce disque est différent à tous points de vue de ce que j’ai fait auparavant. J’ai l’impression que les textes vont plus loin, qu’ils sont beaucoup plus noirs, plus durs. Donc je voulais que la rupture se voie d’entrée de jeu, avec une pochette qui n’ait rien à voir avec un portrait classique, une dominante de rouge et de noir, le rouge pour symboliser toute la violence et la passion qu’expriment les textes, qui est son complément puisque quand le feu a tout ravagé, ce qui reste c’est un petit tas de cendres ...

Gilles VERLANT : Si vous êtes revenue à la musique aujourd’hui, j’ai l’impression que c’est aussi parce que vous aviez envie de travailler avec des musiciens pour qui vous avez une réelle admiration comme Rodolphe Burger de Kat Onoma ou Alain Lubrano.



Françoise HARDY : On m’a fait une proposition inattendue de me signer en me dégageant par avance de la promotion que je ne souhaitais pas faire. C’était pour moi l’opportunité d’une part de poursuivre mon association professionnelle avec Alain Lubrano, avec qui je travaille depuis quelques années, d’autre part, de demander à Rodolphe Burger, leader de mon groupe favori, Kat Onoma, s’il acceptait de participer à ce disque. J’avais repéré dans ses compositions des boucles mélodiques d’une déchirante mélancolie qui me plaisent au-delà de tout et je rêvais qu’il m’en compose une ou deux de ce type ...

samedi 2 décembre 2017

Interview pour Canal + - Partie 10

Gilles VERLANT : En 1988 également vous sortez l’album "Décalages", écrit en compagnie de Jean-Noël Chaléat. A l’époque, vous annoncez que c’est votre dernier album et que vous allez arrêter de chanter.

Françoise HARDY : J’en avais assez pour des tas de raisons. D’abord parce que j’ai toujours pensé qu’à partir d’un certain âge, ce serait un peu ridicule de continuer à pousser la chansonnette. Peut-être parce que j’avais l’impression de ne pouvoir écrire autre chose que des chansons très sentimentales et qu’au-delà d’un certain cap, ça parait un peu bizarre de toujours ressasser les mêmes thèmes. Et puis tout devenait de plus en plus difficile : le fait de chanter sur des machines, et plus sur de vrais instruments, le fait de se battre pour passer à la radio, le fait de devoir faire des playbacks à la télé, ce que je déteste par dessus tout ... Alors je me suis dit qu’il valait mieux que j’arrête, que j’écrive pour d’autres chanteurs ...

Gilles VERLANT : Sur cet album, on trouve la chanson "Laisse-moi rêver", où vous parlez indirectement de vos fascinations sadomasochistes or je crois savoir que parmi vos films et livres préférés on trouve "9 semaines et demi" et "Histoire d’O" ...


Françoise HARDY : C’est très difficile d’en parler comme ça ... J’ai été très bouleversée par la lecture d’"Histoire d’O" mais il y a longtemps, il faudrait que je le relise pour pouvoir en parler avec l’intelligence que ça mérite. Ce qui m’a intéressé dans ce récit, c’est le rêve de l’héroïne d’avoir accès au domaine a priori interdit des fantasmes sexuels masculins. Beaucoup d’hommes ont tendance à voir dans la femme tendre une maman, et à réserver leurs fantasmes à la femme dure, autrement dit la putain, par définition femme d’argent et de pouvoir. C’est douloureux à vivre pour la femme à la fois tendre et désirante, qui aspire à être pour l’autre un objet de désir aussi complet qu’il l’est pour elle, en lui faisant dépasser la dissociation maman / putain qui l’exclut d’une partie de sa sexualité. C’est le sujet d’"Histoire d’O", qui est un livre merveilleusement écrit, alliant la beauté de la forme à la profondeur du fond. Laisse-moi rêver, ce n’est qu’un texte de chanson, c’est forcément concis, ça va beaucoup moins loin ... Quand j’étais jeune, un astrologue m’avait parlé de mon masochisme et je m’étais récriée, je n’avais pas compris ce qu’il avait voulu me dire. Avec le temps, j’ai réalisé que je m’étais un peu trop souvent mise dans des situations de frustration, mais je crois que j’ai eu, avant tout, un besoin d’intensité qui était satisfait par les états de désir. Or pour qu’il y ait désir, il faut une certaine distance de la part de l’autre : on ne peut pas désirer ce qui est à vos pieds. L’amour-désir et la part de souffrance qui l’accompagne ont toujours constitué mon principal moteur, alors que, quand il m’est arrivé d’éprouver le type de souffrance que le masochisme est censé rechercher, je n’avais plus de moteur du tout !

mardi 28 novembre 2017

Interview pour Canal + - Partie 9

Gilles VERLANT : Sachant que nous allions interviewer Jacques en Corse, vous m’aviez demandé de lui poser la question : les avait-il écoutées, ces chansons ?

Françoise HARDY : Je crois que dans une relation tout est circulaire : l’attitude de l’un fait réagir l’autre ... Chacun réagit à l’autre et c’est très difficile de sortir de ce cercle vicieux, ça prend surtout énormément de temps pour prendre conscience qu’on est dans un cercle vicieux ! Aujourd’hui, j’ai suffisamment réfléchi à la nature des relations sentimentales et amoureuses mais je sais qu’avant, dans les moments les plus difficiles, je pensais que les difficultés venaient davantage de l’autre. Maintenant je m’aperçois que cette attitude, trop inconditionnelle, acceptant tout, n’est pas la bonne. Ce n’est pas de cette façon que l’on évolue ni que l’on aide l’autre à évoluer, au contraire : on renforce son égoïsme s’il est égoïste, sa désinvolture, son immaturité s’il est immature. Il ne faut pas répondre aux demandes de l’autre, mais à ses vrais besoins. Mais quand on est jeune, on ne pense pas à ça. C’est la dernière des choses à faire que trop manifester à l’autre le besoin que l’on a de lui : une attitude de dépendance excessive déséquilibre la relation, ce qui la condamne à l’avance, ou tout du moins lui nuit.


Gilles VERLANT : De la fin des années 70 au milieu des années 80 vous travaillez avec Gabriel Yared et Michel Jonasz : au fil des disques on se souvient de tubes comme "J’écoute de la musique saoule", "Jazzy retro Satanas", "Tamalou" ou "Tirez pas sur l’ambulance". Et puis il y a Etienne Daho qui écrit un livre sur vous, avec Jérôme Soligny, un livre intitulé "Françoise HARDY - Superstar et ermite" ...

Françoise HARDY : Je ne me reconnais pas dans le terme "Superstar", c’est trop extérieur à moi, j’ai du mal à l’évaluer, encore plus à en parler. Ermite, par contre, je m’y reconnais assez parce que c’est vrai que j’ai une propension exagéré à l’isolement. Il y a dans la solitude une liberté fantastique pour quelqu’un qui, comme moi, a toujours besoin de lire, d’écouter des disques, de regarder des films ou d’écrire, bref de faire des choses que l’on ne peut faire bien que dans la solitude.

samedi 25 novembre 2017

Interview pour Canal + - Partie 8

Gilles VERLANT : Quand vous rencontrez Michel Berger, qui vous écrit "Message personnel" en 1972, vous en étiez fan ?

Françoise HARDY : J’avais adoré le premier disque de Véronique Sanson, qui m’avait complètement bouleversée. D’abord parce que c’est un disque merveilleux, ensuite parce qu’il faisait prendre un coup de vieux à toutes les chanteuses qui avaient précédé Véronique, moi comprise ! Je savais évidemment que Michel Berger y avait participé, il avait également sorti un album sous son nom dont j’adorais toutes les chansons. J’ai donc rencontré Michel ... Quand il m’a amené "Message personnel", j’ai eu un déclic instantané ... C’est très difficile d’expliquer la magie d’une chanson. On la reçoit ou pas. Moi, je l’ai reçue à 100%, elle faisait vibrer en moi des cordes très sensibles comme d’ailleurs beaucoup de ses mélodies. Quelque chose de très sentimental, qui parle au cœur ...

Gilles VERLANT : Le titre de la chanson ne figure pas du tout dans les paroles, ce qui y est rare ...


Françoise HARDY : Michel avait écrit les couplets et les refrains chantés mais il m’a demandé d’écrire toute la partie parlée de l’introduction. Ensuite s’est posée la question du titre. Je n’ai pensé qu’à cela pendant trois jours et trois nuits et puis subitement les mots "message personnel" me sont venus à l’esprit, je lui ai téléphoné, il m’a dit c’est parfait, on le garde !


Gilles VERLANT : En parlant de message personnel, en 1974 vous sortez un album qui s’appelait "Entracte", et qui était comme une mise en garde d’après ce que j’ai compris ...

Françoise HARDY : Il racontait une aventure d’un soir, une aventure souhaitée et vécue par une femme qui se sent délaissée et qui espère raviver aussi l’amour de l’autre. J’ai fait ce disque dans cet esprit, mais ce que j’y disais était plus imaginaire qu’autobiographique ...

Gilles VERLANT : Il ne fait pas de mystère, pour ceux qui connaissent vos chansons, qu’elles s’adressent souvent à quelqu’un qui ne les entend, qui ne les écoute pas forcément ...

Françoise HARDY : Effectivement, mais en faisant cela je me faisais du mal parce qu’en amour ce n’est jamais l’autre qui fait souffrir, on se fait du mal soi-même ... Donc mes chansons sont toujours sorties de cette espèce de douleur, de frustration, d’aspiration plus ou moins violente et plus ou moins déçue à chaque fois. En même temps, faire une chanson pour l’autre, c’est toujours avec l’espoir de l’émouvoir, surtout quand il parait insensible. Je n’ai jamais su si l’autre les avait écoutées, j’ai même toujours eu l’impression du contraire, mais ce n’est pas très important. Une fois que la chanson est faite, on s’est libéré d’un poids, avec sa souffrance on a tenté de faire quelque chose de joli ou d’émouvant ...

mercredi 22 novembre 2017

Interview pour Canal + - Partie 7

Gilles VERLANT : En 1968, Gainsbourg accepte d’écrire le texte d’une chanson sur une musique qui n’est pas de lui, "Comment te dire adieu" ...

Françoise HARDY : C’était une idée de mon agent qui ne m’emballait pas au dernier degré. Ne prenez pas cela pour de l’orgueil ou de la prétention mais à l’époque, tout le monde demandait des chansons à Serge. Je ne me considère pas comme une interprète, mon seul apport, c’est ce que je mets dans mes textes et c’est pourquoi je préfère chanter mes propres chansons, même si elles sont moins fortes que celles de Serge Gainsbourg ou d’autres. Quand je l’ai rencontré, il habitait dans un appartement envahi par de sublimes photos de Brigitte Bardot. Il était clair qu’il était très amoureux et j’avais trouvé ça très touchant de sa part d’afficher comme ça son amour. J’ai finalement été ravie de chanter "Comment te dire adieu", qui a été un gros succès. Et puis, cela a surtout été le début d’une amitié qui a duré jusque la fin de sa vie, je me sens très très privilégiée de l’avoir connu.

Gilles VERLANT : Au début des années 70, vous décidez de vous autoproduire et coup sur coup vous sortez des albums qui sont autant de disques "cultes" : "Soleil", "La question" et "Et si je m’en vais avant toi" ...


Françoise HARDY : J’ai signé un contrat très intéressant, qui me donnait des garanties financières tout en me laissant une totale liberté - un rêve ! Sur les trois albums que vous citez, mon préféré est sans doute "La question", que j’avais fait avec Mon amie brésilienne Tuca. Ce disque c’est fait dans une atmosphère d’amitié et de grande complicité ... J’en étais très fière, cet album m’a donné l’impression d’avoir grandi artistiquement, même s’il n’a pas marché du tout ... J’ai toujours eu deux grandes directions dans ma carrière : les belles chansons lentes, mélancoliques, avec de belles cordes, et les chansons plus rock, avec des mélodies plus simples et des bases rythmiques plus musclées. J’ai été enregistrer ensuite en Angleterre, avec des musiciens fantastiques, un album dans ce style, dont j’avais composé presque tous les titres. Là aussi, j’étais très fière du résultat et le disque n’a pas mieux marché que le précédent. Mais bon, ces disques existent encore, et comme vous le dites, ils sont appréciés des fans !

Gilles VERLANT : Justement, à quoi ressemble un fan de Françoise HARDY ?


Françoise HARDY : J’ai toujours eu l’impression que mes fans me ressemblent. Aux fond d’eux-mêmes, ils ont les mêmes tourments, le même type de sensibilité sinon ils n’apprécieraient pas mes chansons. Tout comme moi quand je suis touchée par d’autres artistes ... Je crois que chaque personne porte en elle une certaine vibration et qu’on est comblé quand on entend cette vibration particulière exprimée par un autre, dans quelque domaine que ce soit, la peinture, la musique ou autre chose.

samedi 18 novembre 2017

Interview pour Canal + - Partie 6

Gilles VERLANT : Etienne Daho vous a qualifié de "sublime androgyne".

Françoise HARDY : Je constate mon androgynie, je n’ai pas de complexes par rapport à cela, au contraire je trouve que ça peut être un atout. Sauf que j’ai beaucoup de mal à trouver des vêtements qui m’aillent, c’est même la croix et la bannière, parce que finalement, l’androgynie, ce n’est pas le modèle courant !

Gilles VERLANT : On arrive en 1967, une année importante, celle de votre rencontre avec Jacques Dutronc ...

Françoise HARDY : Nous nous étions déjà croisés, Jacques et moi, parce que nous avions le même directeur artistique, l’éditeur Jacques WOLFSOHN. Quand nous nous sommes revus en 67, Jacques sortait d’une rupture, en fait il devait se marier et deux jours avant la cérémonie, il avait tout annulé. De mon côté, je venais aussi de vivre une séparation. On sortait souvent ensemble avec Wolfsohn, on allait dans des boîtes, et je voyais ce Dutronc, que je trouvais évidemment très, très séduisant, entouré de minettes. Je me disais que je n’avais pas la moindre chance, vu qu’il semblait avoir une vie personnelle assez dévergondée ... Pourtant, au bout d’un certain temps, j’ai cru percevoir, à des signes infimes, qu’il y avait peut-être une petite réciprocité. Tout ceci a été extrêmement long car j’étais incapable de faire le premier pas vers lui et il en était presque aussi incapable que moi.


A un moment je me suis dit que rien ne se passerait jamais entre nous ... Puis il y a eu une sorte de complot entre lui et ses copains, nous étions en Corse, ses copains se sont éloignés, je me suis retrouvée seule avec lui et ça s’est fait comme ça ... Une nuit tout à fait extraordinaire, je ne parle pas du dénouement, mais des prémices ... Extraordinaire parce qu’il n’a pas cessé de parler et malheureusement comme ceci était très arrosé, pour nous donner du courage, je n’ai aucun, mais alors, aucun souvenir de ce qu’il a pu me raconter pendant des heures. Comme c’est quelqu’un qui parle très peu, je regrette vraiment d’avoir tout oublié !

Gilles VERLANT : Quand nous l’avons interviewé pour cette émission, Jacques nous a raconté que vos chansons, déjà à l’époque de votre rencontre, lui filaient le bourdon ...

Françoise HARDY : Je prends ça comme un grand compliment ! Excessif, même !

mardi 14 novembre 2017

Interview pour Canal + - Partie 5

Gilles VERLANT : Dans les années soixante toujours, on se souvient de photos légendaires avec vous et Mick Jagger ...

Françoise HARDY : Jean-Marie qui avait déjà des envies de cinéma avait eu le projet de faire une adaptation des "Enfants terribles" de Cocteau, avec Mick Jagger et moi. Il nous a donc réunis pour les besoins d'une photo parce qu'il avait l'impression qu'on avait un petit air de famille, une ressemblance physique. J'étais évidemment très troublée par Mick, qui avait un charme irrésistible, la beauté du diable ... Dans une interview, il avait déclaré que je correspondais à son idéal féminin, alors imaginez mon émoi ...

Gilles VERLANT : On était en plein âge d'or du Swinging London ... Vous y participiez, de près ou de loin ?
Françoise HARDY : Après mon spectacle au cabaret de l'hôtel Savoy, j'allais dans les boîtes de nuit et je croisais des artistes comme les Beatles ou les Stones ou des photographes du genre David Bailey. J'étais fascinée par tout ça mais en même temps j'en étais très loin parce qu'à cette époque, j'ignorais absolument tout de la drogue ! A l'évidence, tout le monde planait beaucoup et je ne savais pas du tout à quoi attribuer cela ... La seule personne qui m'ait invitée plusieurs fois, c'était Brian Jones, des Rolling Stones : je me suis donc retrouvée, émerveillée, chez lui et sa compagne Anita Pallenberg. J'ai su après que l'un et l'autre s'étaient demandés pourquoi j'avais accepté leur invitation : était-ce parce que j'avais des vues sur Brian ? Ou sur Anita ? Moi, toujours aussi naïve, j'étais simplement éblouie de voir de près un membre des Rolling Stones !


Gilles VERLANT : Vous essayez de nous faire croire que vous étiez à Londres en plein explosion psychédélique et que vous n'avez pas touché à la drogue ?
Françoise HARDY : Je vous assure, je n'ai jamais pris de drogue ! Ça m'a toujours effrayée; en revanche, j'ai toujours adoré boire du bon vin, c'est beaucoup mieux que la drogue, à tous points de vue !

Gilles VERLANT : Lors de ces séjours londoniens, à part les concerts au "Savoy", à quoi passiez-vous votre temps ?

Françoise HARDY : Que ce soit à Londres ou Paris, la seule chose qui m’intéressait, c’était d’arriver à écrire des chansons : dès que j’avais un moment de libre, je m’enfermais dans les toilettes ou les salles de bains de mes chambres d’hôtel parce que l’acoustique y est particulière. J’essayais de composer et j’étais tellement tourmentée par ce que je vivais sur le plan personnel qu’il n’y avait pas de place pour examiner le reste du monde ... J’étais loin de la personne que j’aimais, je me demandais où elle était, je vivais dans l’attente du coup de fil qui allait me redonner un peu de vie.

Gilles VERLANT : Puisqu’on parle de Jean-Marie PERIER, je suppose que devant son objectif vous avez dû vous trouver moins laide ...
Françoise HARDY : Oui, en voyant certaines photos j’avais l’impression que ma grand-mère avait un petit peu exagéré ..

samedi 11 novembre 2017

Interview pour Canal + - Partie 4

Gilles VERLANT : Dans la famille yéyé de la première partie des années soixante, vous passiez plutôt pour l'intellectuelle, la rêveuse de la bande ...

Françoise HARDY: Je ne sais pas pourquoi l'on m'a faite cette réputation d'intellectuelle - peut-être parce que j'écrivais les paroles de mes chansons, contrairement à la plupart de mes consœurs et confrères ... Mais mes textes n'avaient rien de très sérieux, ils étaient extrêmement sentimentaux. Une intellectuelle, c'est quelqu'un qui se sent bien dans le monde des idées, qui m'est tout à fait étranger. Je fonctionne surtout au sentiment et à la sensation !

Gilles VERLANT : A vos débuts, Philippe Bouvard vous avait trouvé un surnom légumier ...

Françoise HARDY : Il m'avait baptisée "l'endive du twist" et j'avoue que ça m'avait fait rire, parce que c'était surprenant et en même temps, ça me correspondait relativement. N'oublions pas que l'endive est un légume de luxe, délicat et un peu pâle ! Lorsque plus tard j'ai monté ma première petite société de production, je l'ai appelée Asparagus, pour répondre à tous ceux qui me traitaient de grande asperge.


Gilles VERLANT : On parlait de concerts à Londres, vous faisiez également des tournées en France, mais vous arrêtez tout en 1968 ... Parce que vous n'aimiez pas la scène ?

Françoise HARDY : Faire de la scène oblige à voyager sans cesse, donc à ne jamais être chez soi et surtout à toujours devoir quitter la personne avec qui l'on a envie d'être. En plus, à cette époque là, je vivais avec le photographe Jean-Marie PERIER, qui lui-même était tout le temps en voyage. Donc, la scène a tout de suite été associée pour moi à des déchirements et des séparations. Je ne parlerai pas de mes premières tournées, en 62-63, j'étais totalement inconsciente, je réalisais à peine ce que j'étais en train de faire. Plus tard, j'ai commencé à éprouver un relatif plaisir à être sur scène quand j'ai eu de meilleurs musiciens. Mais j'avais tellement le trac, tellement peur d'oublier mon texte, que ces angoisses prenaient le dessus. Depuis 1968, je ne suis plus remontée sur une scène et il n'est pas question que j'y retourne un jour !

mardi 7 novembre 2017

Interview pour Canal + - Partie 3

Gilles VERLANT : Malgré votre "laideur extrême" vous faites rapidement la couverture de Paris-Match puis de Salut les copains, et vous rencontrez le photographe Jean- Marie PERIER qui devient votre fiancé ...

Françoise HARDY : J'ai rencontré Jean-Marie quelque mois après la sortie de "Tous les garçons et les filles" : le magazine Salut les copains venait de démarrer et il en était le photographe vedette. Qu'est-ce que je peux dire de plus ? Qu'il a été quelqu'un de très important dans ma vie, qu'il a été le premier homme qui ait réellement compté et qu'il m'a considérablement aidée. Je sortais de mon trou, littéralement, j'avais vécu entre ma mère et ma sœur sans jamais voir grand monde, j'étais complètement ignorante et innocente. Jean-Marie m'a conseillée, m'a influencée, j'ai beaucoup appris à son contact. Il était un petit peu plus âgé que moi, il sortait d'une famille très différente et il connaissait beaucoup de choses, en particulier sur le monde artistique.

Gilles VERLANT : Il nous a dit que lorsqu'il vous a rencontrée, vous n'aviez aucun goût vestimentaire ... Et pourtant, pratiquement dès vos premières photos, vous êtes devenue un symbole du look de ces années là !

Françoise HARDY : Quand j'ai commencé à chanter, je ne savais absolument pas m'habiller, ça n'a pas changé d'ailleurs, ça m'ennuie ! J'ai commencé à me préoccuper de mes tenues vestimentaires à partir du moment où j'ai fait de la scène. C'est comme cela que je me suis retrouvée avec des couturiers comme André Courrèges ou Paco Rabanne. Dès le moment où j'ai arrêté de faire de la scène, je ne me suis plus du tout souciée de mon look, je m'habille toujours pareil.


Françoise HARDY : A cette époque, il ne se passait pas une semaine sans qu'il y ait obligation de faire un reportage photo. J'étais donc obligée de faire attention à ce que je portais et, les gens ne me croient pas quand je dis ça, j'ai une morphologie telle que peu de choses me vont. En tout cas, je me sens bien dans peu de vêtements ... Il est difficile d'allier le confort et un minimum d'élégance et au début des années soixante, j'ai eu l'impression que les minijupes me convenaient plutôt bien, c'est pour ça que je les ai adoptées ...

Gilles VERLANT : On se souvient de vous portant des robes métalliques de Paco Rabanne ...

Françoise HARDY : J'allais souvent chanter à Londres où les journalistes étaient très à l'affût de ce que j'allais porter comme tenue de scène. Ils me considéraient comme une représentatrice de la mode française : pas question de venir deux fois de suite avec le même ensemble ! J'avais donc demandé à Paco de me confectionner une tenue et je me suis retrouvée avec une combinaison métallique qui pesait seize kilos. Moi qui étais déjà très statique sur scène, je ne pouvais plus bouger du tout ! En plus, le poids de la tenue entraînait l'entrejambe qui descendait au fur et à mesure. Résultat, Paco devait m'envoyer non pas des couturières, mais des ouvriers munis de tenailles, de tournevis, de marteaux, pour remontrer l'entrejambe de cette tenue diabolique mais qui était, je tiens à le préciser, très belle !"

samedi 4 novembre 2017

Interview pour Canal + - Partie 2

Gilles VERLANT : Vous vous réfugiez dans les livres et parmi vos premières lectures, on trouve des histoires très romantiques, des histoires d'amour absolu ...

Françoise HARDY : J'ai réalisé récemment que les premières lectures que j'ai faites et qui m'ont vraiment touchée étaient l'expression d'une problématique personnelle dont je ne pouvais absolument pas avoir conscience à l'âge où j'ai commencé à lire. Quand j'étais petite fille, je lisais des contes, en particulier "La petite sirène". Naturellement, je m'identifiais totalement à l'héroïne ... J'étais aussi fascinée par cet autre conte, moins connu, qui s'appelle "La dame au blanc visage", également une histoire d'amour impossible qui finit dans l'engloutissement général ... C'est un peu ce qui m'a poursuivi toute ma vie.

Gilles VERLANT : Qu'est ce qui vous a donné envie de chanter ?


Françoise HARDY : Je me suis toujours intéressée à la chanson comme mode d'expression : je me souviens que petite fille, j'achetais des partitions, des chansons telles que "La rue Saint Vincent" de Francis Lemarque ou "Je ne sais pas" de Jacques Brel. Je me chantais tout ça, dans ma chambre ... Puis à l'âge de 16 ans, j'ai découvert une station de radio anglaise qui diffusait du rock non-stop : Elvis Presley, Cliff Richard, les Everly Brothers, Paul Anka, ... J'en étais complètement passionnée. A tel point que je ne pouvais pas envisager mon avenir sans qu'il ait un rapport proche ou lointain avec ce type de musique. J'ai tout imaginé, je me suis rêvée en programmatrice radio, j'ai pensé que je pourrais travailler dans des éditions musicales. Puis quand j'ai passé mon Bac, mon père a voulu me faire un cadeau et j'ai choisi une guitare. J'ai découvert une méthode très simple, j'ai appris trois ou quatre accords et j'ai commencé tout naturellement à imiter les chansons que j'entendais sur cette station anglaise, en beaucoup moins bien évidemment.


Gilles VERLANT : Vous sortez votre premier Super 45 tours en 1962, à l'âge de 17 ans : il contient la chanson "Tous les garçons et les filles", un succès instantané, une chanson qui vous colle à la peau et que vous avez outrageusement dénigrée par la suite ...


Françoise HARDY : J'ai enregistré ce disque dans des conditions inimaginables aujourd'hui puisqu'on l'a fait en un après-midi ! A la sortie du 45 tours, j'en étais insatisfaite, notamment au niveau des arrangements. J'étais quand même contente que la chanson marche, qu'elle passe à la radio et encore plus contente qu'elle plaise à pas mal de gens. Le succès de cette chanson a été déterminant pour toute ma vie et si je semble dénigrer "Tous les garçons et les filles" aujourd'hui, c'est simplement parce que souvent, j'ai l'impression que les gens ne connaissent de moi que cette chanson. C'est frustrant quand on sait que j'en ai enregistré des centaines d'autres ... Sur le plan mélodique, ou sur le plan du texte, elle est carrément simplette !

Gilles VERLANT : Elle raconte une situation vécue par des générations entières de garçons et de filles, quand on est seul et qu'on voit les autres se balader à deux, amoureux ...

Françoise HARDY : Je me souviens de cette chanson de Paul Anka, qui s'appelle Lonely boy, où il disait "I'm just a lonely boy, lonely and blue / I'm all alone with nothing to do ..." Dans "Tous les garçons et les filles", je disais exactement la même chose ! Etant donné tout ce qu'on m'avait seriné dans mon enfance sur ma laideur extrême, je ne pouvais pas imaginer que je vivrais quelque chose, que j'aurais quelqu'un dans ma vie ... Cette chanson exprime le désarroi d'adolescentes qui sont convaincues qu'elles ont un physique ingrat !

mardi 31 octobre 2017

Interview pour Canal + - Partie 1

Interview par Gilles VERLANT réalisée le 15 octobre 1996, à l’occasion du tournage de "Françoise HARDY - Mode d’emploi", un portrait réalisé par Mathias Ledoux, proposé par Brenda Jackson et Gilles Verlant et diffusé sur Canal plus le 11 Janvier 1997.

Gilles VERLANT : On commence par le signe astrologique : vous êtes née un 17 janvier, vous êtes Capricorne, signe de la démesure ...

Françoise HARDY : Tous les signes autour de l'axe des solstices sont des signes de démesure : Gémeaux, Sagittaire, Capricorne et Cancer. La démesure des Sagittaires et des Gémeaux peut s'extérioriser contrairement à celle des Capricornes qui est beaucoup plus rentrée et moins évidente. C'est à dire qu'il faut connaître la personne pour se rendre compte qu'elle est portée à être excessive, car sur ce fond de démesure le Capricorne déconnecte du monde extérieur ...

Gilles VERLANT : C'est votre cas ?


Françoise HARDY : J'ai par exemple beaucoup de mal à sortir de mes quatre murs, je me sens mal à l'aise dès qu'il y a plus de deux ou trois personnes. Je fuis les mondanités. Je suis quelqu'un d'assez empoté, j'ai certaines difficultés à communiquer ...


Gilles VERLANT : Vous avez déclaré que vous tenez votre côté anticonformiste de votre mère ... ?


Françoise HARDY : J'éprouve un énervement viscéral chaque fois que j'entends des discours bien pensant qui me semblent d'une part sectaire en ce qu'ils excluent d'office qu'il puisse y avoir d'autres vérités, d'autre part en contradiction avec les attitudes et les actes de ceux qui les tiennent. Est-ce que c'est de l'anticonformisme ? Peut-être ... Ma mère était certainement anticonformiste : elle était mère célibataire, elle ne l'avait sans doute pas choisi mais elle n'en avait absolument pas honte, au contraire. Elle non plus ne supportait pas la langue de bois et les discours moralisateurs ...

Gilles VERLANT : En revanche, ce serait votre grand-mère la responsable de tous vos complexes, de votre manque de confiance en vous ...

Françoise HARDY : Petite, je me suis retrouvé malheureusement assez souvent chez une grand-mère névrosée qui avait vis-à-vis de moi une attitude très négative. Pour un enfant, c'est la pire des choses quand des parents ou des grands-parents ne cessent de lui seriner qu'il est laid, qu'il est bête, qu'il a tous les défauts de la terre. C'est terrible parce que ça provoque un manque de confiance en soi que l'on traîne comme un boulet toute sa vie. Il faut faire excessivement attention à ce qu'on dit à un petit enfant, en évitant de le valoriser de manière excessive, ou de le dévaloriser ...

samedi 28 octobre 2017

Août 2000 - Chantant de solitude (Libération) - Partie 2

Françoise passe le bac à seize ans et Madeleine, stricte et orgueilleuse, l'inscrit à Sciences-Po. Françoise s'enfuit, parce que son petit imper en popeline bleu ciel et ses talons aiguilles jaunes lui semblent incongrus rue Saint-Guillaume.Et puis, son émotivité lui interdit les exposés. Sur une guitare obtenue pour le bac, elle apprend la musique et compose de fragiles mélodies.

Hardie et timide, Françoise se présente aux disques Vogue avec la maquette de Tous les garçons et les filles de mon âge. Deux millions de quarante-cinq tours vendus. « Une voix fraîche, juste, moderne, composant elle-même ses chansons, Françoise Hardy vous plaira », indique le texte publicitaire de la pochette en noir et blanc, avec le nom de la jeune fille en lettres vermillon. Elle habite encore 24, rue d'Aumale, avec sa mère. On a l'impression qu'elle parle, et pourtant elle chante d'une voix vaporeuse et juste, émanant de sa silhouette d'herbe longue. « C'est une voix intérieure, transparente, comme la pensée », dit son amie Armande Altaï.

Françoise fredonne, et Madeleine, qui a cessé de travailler, s'occupe de ses affaires. « Encore à 40 ans, elle me dictait ma conduite. Critiquait mon mari. Je me crispais avant qu'elle n'arrive. Enfin, j'ai dépassé la petite fille que j'étais, en défendant Jacques. Ça a été terrible. »

Familière et distante, Françoise Hardy se raconte avec simplicité, attentive à l'exactitude. Elle accompagne ses paroles de grands gestes des mains qui flottent dans l'air.

« Françoise ? Un paradoxe sur deux grandes jambes », dit le photographe Jean-Marie Périer. Une brume pâle s'est répandue sur la mer ligurienne comme un fumigène actionné depuis la maison. Le visage étroit et hâve de Françoise Hardy se détache sur les murs de crépi immaculé. Elle a acheté cette villa en 1967, juste avant sa rencontre avec Jacques Dutronc. Cette année-là, elle chantait Ma jeunesse fout le camp. Elle avait 23 ans. De sa relation avec son mari, elle dit : « trente ans de vie.. peu commune ». Elle porte son alliance autour du cou : à distance. Avenue Foch, dans leur nouvel appartement, chacun occupe un étage. Pour parler, ils se téléphonent. C'est l'amour en duplex.

« En astrologie, on dit que Françoise a le soleil aveugle, dit son ami l'astrologue Jean-Pierre Nicola. Elle ne voit pas qu'elle est solaire, qu'elle attire les autres. » Elle n'est pas plus consciente de sa grâce que du sourire juvénile qui, furtivement, éclaire son visage. « Chaque fois que Françoise a une peine de cœur, ça lui fait une chanson », s'amuse Jean-Pierre Nicola. Sa mélancolie n'est pas fabriquée, ni rien dans son répertoire. Au contraire d'un Gainsbourg, qui composa pour elle, elle est incapable de manipulation. « Son thème indique une opposition Saturne-Vénus, souligne l'astrologue. Cela signe une nature écorchée.. l'amour, toujours, renvoie au regret, au souvenir. »

Délectation masochiste, persiflerait un psy. Cantatrice qui chuchote ­ breathy voice écrit le Guardian, ses mélodies sont l'écho d'un sentiment unique : l'esseulement.

« Je n'ai jamais pu écouter une seule de ses chansons, ça me fout le cafard », dit Jacques Dutronc. Il lui a écrit une chanson qui s'intitule.. le Cafard. Si elle évite la complaisance chagrine, c'est par la grâce d'un style léger : sa voix d'hôtesse de l'air qu'un rien habille.

Petite fille, c'est bien sûr un conte cruel, la Petite sirène, qui avait ses faveurs : un amour absolu, qui faute de réciprocité, finit par se sublimer. Fidèle à ses goûts, elle lit aujourd'hui Kawabata. Tristesse et Beauté. Écoute le disque de Michel Houellebecq, chantre de la maniaco-déprime, dont elle est devenue l'amie. Ou la bonne fée. « Un album d'écrivain, ça me faisait peur.. Mais les rythmiques de Bertrand Burgalat sont d'une variété irrésistible.. ».
Lui, Houellebecq, c'est l'Amitié, sa chanson favorite: « Beaucoup de mes amis sont venus des nuages, avec soleil et pluie comme simples bagages.. dans leur cœur est gravée une infinie tendresse, mais parfois dans leurs yeux se glisse la tristesse.. »

Et le bonheur, où le trouve-t-elle ? Dans la chanson, encore. Certains soirs, elle se passe une vidéo de Trenet et Brassens. Ils chantent les Ducs. « Ils sont si joyeux qu'en les regardant, on est heureux. J'éprouve alors de la reconnaissance. » Dehors, la vue sur mer n'est plus qu'un écran gris sur lequel se détachent, au premier plan, quelques longues plantes mouillées. C'est l'été de Françoise Hardy, un été qui ressemble à l'automne.

Françoise Hardy en sept dates :
17 janvier 1944 : Naissance à Paris.
1960 : Sciences po.
1962 : Tous les garçons et les filles.
1973 : Message personnel, naissance de son fils.
1974 : La Question.
1995 : Le Danger.
2000 : Clair-Obscur.
Source : http://www.liberation.fr/portrait/2000/08/16/chantant-de-solitude_334259

mardi 24 octobre 2017

Août 2000 - Chantant de solitude (Libération) - Partie 1

Portrait
Chantant de solitude
Par Marie-Dominique Lelièvre
Le 16 août 2000 pour Libération

La baie vitrée en demi-lune découpe un paysage liquide où mer et ciel ne se distinguent que par des nuances de gris. Il pleut sur Calvi et sur les vacances corses de Françoise Hardy. «Je suis une citadine névrosée», dit-elle en riant, rêvant d'un été à Paris. Elle croise ses mocassins blancs sur l'ardoise noire du sol, les glisse sous la table Knoll.

Le matin, Françoise Hardy travaille : sur son e-book elle rédige un article pour une revue astrologique tirée à 100 exemplaires. Sur Josette Clotis, l'amour tragique d'André Malraux. L'astrologie, elle l'a étudiée comme d'autres la psychologie.
L'après-midi, elle lit « des choses difficiles» au fond du jardin. Le Journal de Gide, une bio de Malraux, à la recherche d'éléments biographiques. A l'ombre, comme l'expriment son teint naphtaline et ses jambes si pâles qu'on les croit d'abord gainées de bas ivoire. Une femme d'intérieur, en somme.

Le soir, au lit, elle dévore des Agatha Christie. « C'est ça, les vacances. Relire des romans policiers. L'été dernier, c'était Mary Higgins Clark. »

Les disques d'été, elle les écoute en boucle. Des mœurs adolescentes, en somme. Coldplay, un groupe anglais, elle ne s'en lasse pas, un seul morceau, We never change. L'histoire d'un type qui veut aimer la même femme, toujours. « C'est simple, irrésistible, pur, nostalgique. »

Elle rit, souvent, d'un rire qui sonne clair. Tout à l'heure, lorsqu'elle a ouvert la porte, elle a dit : « Essuyez vos pieds.» Cela semblait une farce, cette proposition dans la bouche d'une princesse pop.

A l'extérieur, un trio de vacanciers juchés sur un muret tentait de photographier la maison, malgré la pluie et le portail de fer. « Je déteste les vacances, mais rentrer c'est la joie. »

Enfant, Françoise passait des vacances sans sa mère, Madeleine. « J'ai eu pour elle des sentiments démesurés. L'adieu sur le quai de la gare était un déchirement. Puis j'attendais. Que les vacances passent. Que le facteur passe avec une lettre d'elle. »
Françoise aime et souffre pour deux. Elle n'a pas vraiment eu de père. Du haut de son mètre 78, cette mère au physique époustouflant tenait les hommes à distance. « Je la voyais très belle et elle l'était. » Françoise Hardy use de phrases exactes, d'une syntaxe de précision. Sauvage et solitaire, sa mère avait eu deux filles avec un homme indisponible. « Jamais de sa vie elle ne passa une nuit complète avec un homme », dit-elle. Durant l'Occupation, Madeleine renvoyait son amant en plein couvre-feu. « Mon père venait d'une grande famille, elle avait été éblouie par son milieu, plus que par lui. »

dimanche 22 octobre 2017

Juillet / Août 1963 - Nous les garçons et les filles - Partie 3




Nous quittons le bar des studios. Tout en finissant sa phrase, Vadim avance sur le plateau, tandis que le silence se fait. Immédiatement, il prépare le nouveau plan tandis que nous rejoignons Françoise qui discute avec Brialy dans un coin.
- Françoise, pourquoi faites-vous du cinéma ?
- Par hasard. Je n'ai jamais voulu faire du cinéma, mais j'ai accepté parce que faire un premier film avec Vadim m'a paru formidable.
- Pourquoi ?
- Je ne sais pas. Remarquez je n'ai vu aucun film de Vadim, mais quand même… D'ailleurs, celui-là doit être différent, puisque c'est une adaptation de la pièce de théâtre.
-Et votre rôle vous plait-il ?
- Oui… Oui… C'est un rôle amusant. Mais je ne crois pas que je continuerai à faire du cinéma parce que c'est pas tellement intéressant en soi. Et puis, on s'embête et j'ai le trac parce que je ne suis pas comédienne du tout.

Bernard Queysanne

samedi 14 octobre 2017

Juillet / Août 1963 - Nous les garçons et les filles - Partie 2


- Revenons au Château en Suède et expliquez-moi pourquoi vous avez choisi Françoise Hardy ?
- Françoise, je l'ai vue pour la première fois dans un night club. Je ne savais pas qui c'était, mais j'ai cru reconnaître Ophélie, mon personnage. On me l'a présentée, on s'est mis d'accord et un mois après, le tournage commençait. Ce rôle est un rôle facile pour Françoise, puisqu'elle n'a pas à changer de personnalité, d'ailleurs, je ne sais pas si elle pourrait le faire, elle est maladroite puisqu'elle débute, elle n'est pas toujours très photogénique, mais elle parle juste et a de la présence à l'écran, ce qui est très important.
- Est-ce qu'en engageant Françoise vous n'aviez pas l'intention de créer un personnage 1963 ?
- Non, puisque ce film est une adaptation, je n'ai fait que modeler les personnages de la pièce. Mais, ajoute-t-il l'air songeur, je crois, oui, je crois qu'on pourrait faire quelque chose avec Françoise Hardy.
- La censure vous pose-t-elle des problèmes ?
- Si la censure est relativement large en France en ce qui concerne les rapports amoureux, elle l'est beaucoup moins lorsque l'on s'attaque à l'ordre social. On subit en France le fait du prince, aussi, si je voulais dire ce que je pense de l'armée, par exemple, le jeu serait faussé, car je ne pourrais aller jusqu'au bout. On a souvent dit que j'étais scandaleux, mais cela tient au fait que j'aime aller au bout des choses. En ce qui concerne les rapports entre homme et femme, il est possible de composer, cacher le corps d'une femme par exemple, alors que dans un film engagé, il est impossible de supprimer un réplique qui critiquerait la police, l'armée, ou le régime sans trahir son sujet. C'est une des raisons pour lesquelles je ne peux pas faire des films critiques à l'égard de l'ordre social établi en France.

mardi 10 octobre 2017

Juillet / Août 1963 - Nous les garçons et les filles - Partie 1


Avec

Françoise Hardy

Roger Vadim

Construit

Des châteaux en Suède
Un vaste hall tout en pierre de taille avec, dans un coin, un imposant escalier de bois. Nous sommes dans le château des Felsen, famille noble vivant en Suède à notre époque. Agathe, qui tricote dans un fauteuil aux pieds de l'escalier, oblige toute la famille à porter des vêtements XVIIIème siècle pour respecter la tradition familiale.

La vie au château semble particulièrement ennuyeuse. Éléonore et Sébastien sommeillent sur les dernières marches de l'escalier.
- Il partira pas Eric. Il partira plus Eric.
En chantonnant cette phrase qui semble follement l'amuser, Ophélie, vêtue d'une vaste robe noire gonflée par une multitude de jupons, apparaît en haut de l'escalier.
- Il partira plus Éric…
- Pourquoi ? lance Éléonore toute ensommeillée
- Parce que Hugo a pris un gros revolver. Il va tuer Eric, réplique Françoise Hardy d'une voix rieuse avant de s'enfuir comme elle était venue.

Monica Vitti (Éléonore) et Suzanne Flon (Agathe) se dressent en hurlant d'effroi, et se précipitent dans l'escalier pour rattraper Ophélie. Jean-Claude Brialy (Sébastien) ramasse la traine de sa sœur Éléonore au passage et tous trois disparaissent.

- Coupez.
C'est Vadim qui vient de parler. Il donne ses indications pour le plan suivant puis m'entraine vers le bar.

- Voyez-vous, ce film est ma première comédie, mais ce qui me plaît surtout, c'est que je travaille avec Françoise Sagan et que cela fait longtemps que je voulais adapter l'un de ses livres. L'histoire est celle d'une famille noble qui, par la volonté d'Agathe, vit hors du temps… Ajoutez à cela qu'Hugo a deux femmes, Ophélie qui est devenue folle à l'âge de dix-sept ans et que tout le monde croit morte, et qu'il a assassiné quelques amants d’Éléonore, son autre femme, et vous aurez l'atmosphère un peu loufoque de mon film.

- Pourquoi depuis quelque temps ne faites-vous plus que des adaptations ?
- Cela tient au fait que, depuis deux ans, j'ai un certain nombre de contrats à assurer. Or, lorsqu'on signe deux ans à l'avance des projets de film, ça ne peut être que des adaptations, car aussi connu que vous soyez, on ne vous fait pas assez de confiance pour accepter des scenarii qui ne sont pas écrits. De ce fait, et cela semble paradoxal, je suis moins libre qu'au début de ma carrière. Il y a une autre raison qui m'a poussé à accepter des adaptations : quand vous faites un film de 450 millions, d'énormes possibilités pèsent sur vous. Deux échecs commerciaux de ma part feraient perdre certes de l'argent à des banquiers, tant pis pour eux, ce sont les risques du métier, mais ils auraient surtout des répercussions sur les salaires de nos collaborateurs. Aussi, je suis gêné pour mes responsabilités financières et artistiques et je vois qu'après ce film je vais m'arrêter de faire du cinéma quelque temps, pour faire le point, pour pouvoir renouveler mon répertoire, pour me retrouver devant une feuille de papier.

samedi 7 octobre 2017

Août 1992 - Françoise Hardy rend hommage à Michel Berger (Télé 7 Jours) - 2

Vous êtes pourtant restés très proches.
Je suis surtout devenue l'une de ses fans. Je n'ai jamais manqué l'un de ses spectacles ou l'un de ceux de France. Sauf le dernier, parce que je m'étais fait une entorse. J'ai tous ses disques, que j'écoute très souvent. Je lui avais adressé un petit mot pour leur disque "Double jeu", en lui disant que je l'appréciais énormément, de même que mon fils, Thomas, 19 ans, plus passionné d'habitude par Brel ou Brassens.

Il vous avait répondu ?
Aussitôt. Il s'étonnait que Thomas ait déjà passé 19 ans et qu'on ait passé tout ce temps sans se revoir vraiment. Nous avions chacun nos vies de couple. Jacques (Dutronc), d'autre part, n'a jamais tenu à ce que nous entretenions des relations avec d'autres chanteurs, sauf Gainsbourg et quelques autres. Nous ne sommes jamais devenus de vrais amis.


Vous ne l'aviez-pas revu ces dernières années ?
Il est venu seul, une fois, dîner à la maison. Lui que j'avais connu plein d'assurance était devenu à la fois plus distant, plus modeste, plus cool. Il avait mûri tout simplement, peut-être aussi parce qu'il avait souffert. Sa fragilité m'a touchée, comme son trac, encore pire que le mien lorsqu'une fois nous avions été réunis sur le plateau de Drucker. La réussite ne l'avait pas effacé, contrairement à ce que je pensais.

Vous avez du mal à cacher votre chagrin.
J'ai beaucoup de mal à accepter qu'une existence puisse être prématurément coupée. Ce qui m'apaise, c'est que Michel soit mort sans s'en apercevoir. Lui, désormais, est bien là-haut, et puis il continue d'exister à travers son œuvre. Mais France Gall ? C'est à elle surtout que je pense. Je ne la connais pas, mais j'ai beaucoup d'admiration pour l'artiste, pour son talent, sa façon de chanter. Je sais par une de nos amies communes, Mireille, combien elle est attachée à l'idéal du couple. En cela, nous nous ressemblons et la disparition de celui qu'elle aimait est une tragédie.

Isabelle CAUCHOIS