samedi 30 décembre 2017

Françoise Hardy dans Hep Taxi ! - 3ème extrait

Jérôme Colin : Si vous n’aviez pas pu ?
Françoise Hardy : Mais vous savez...

Jérôme Colin : Mais si vous n’aviez pas pu physiquement d’avoir un enfant ?
Françoise Hardy : Eh bien je n’en aurais pas eu. J’en aurais adopté un.




Jérôme Colin : Vous ne pouvez pas comprendre ce besoin ... ce besoin peut être égoïste, mais d’avoir un enfant et de faire un trajet de vie ….
Françoise Hardy : Dès qu’il y a un excès pareil dans un besoin, on peut être sûre que le parent est déséquilibré et on peut être sûre que ce déséquilibre, il va le transmettre à son enfant

Jérôme Colin : Mais non !
Françoise Hardy : Et puis, on sait aussi que la grossesse, ce n’est pas anodin. Vous imaginez un enfant qui se développe dans le corps d’une autre et puis qui est élevé par une autre. Enfin bon...

Jérôme Colin : Oh ben, regardez aujourd’hui dans un monde moderne, on a des familles recomposées décomposées. Le fait d’adopter …
Françoise Hardy : le fait d’utiliser un être humain pour satisfaire son désir omnipotent. Moi franchement, ça me dégoûte. Je trouve ça horrible.

Jérôme Colin : Moi je trouve que le désir d’enfants, il est effectivement égoïste, mais en même temps, il est…
Françoise Hardy : non, mais vous savez….

Jérôme Colin : Mais vous savez de génération en génération.
Françoise Hardy : Vous savez, il est naturel. Un désir d’enfant est naturel. Il n’est plus naturel à partir du moment où on est prêt à emprunter des voies absolument pas naturelles et je dirais même contre nature pour exaucer ce désir. La mère porteuse, c’est contre nature.



Jérôme Colin : Si on vit sans enfants, est-ce qu’on ne vit pas seul, Françoise ?
Françoise Hardy : Mais on peut en adopter des enfants

Jérôme Colin : Oui mais vous comprenez ce besoin, je pense, pour les gens d’avoir…
Françoise Hardy : Oui mais, si .. Vous savez tout le monde a des besoins, des désirs, etc. Il faut avoir des besoins et des désirs ajustés à la réalité. Si la réalité vous refuse d’avoir un enfant, eh bien il faut déplacer de la manière la plus équilibrée et la plus saine possible ce désir. Soit en vous occupant d’autres enfants. Vous savez, il y a toujours des enfants qui ont besoin qu’on s’occupe d’eux.

Jérôme Colin : Oh ça, c’est sûr. Oh ça, c’est sûr !
Françoise Hardy : (rire)

samedi 23 décembre 2017

Françoise Hardy dans Hep Taxi ! - 2ème extrait

Jérôme Colin : Comment on fait à votre avis ? Je suis papa aussi de jeunes enfants, comment on fait pour donner les armes à un enfant pour qu’il trouve justement son chemin tout seul et le bonheur tout seul ? Ah c’est difficile !
Françoise Hardy : Moi, je ne sais pas parce que nous les parents, nous sommes des êtres humains comme les enfants d’ailleurs, et nous ne sommes pas parfaits. Donc, nous les éduquons avec tous nos défauts et surtout nos contradictions. Je crois que les contradictions, c’est ce qu’il y a de plus difficile à gérer pour un enfant. Vous savez quand un parent par exemple… Euh quand sa parole exprime quelque chose et que son visage exprime autre chose. On sait que ça, ça génère des troubles importants chez les enfants. Mais moi, il me semble que, quand on est à soi-même à peu près cohérent, à peu près correct… Voilà, il me semble que c’est la meilleure des choses pour l’enfant. Mais malheureusement, tous les parents ne sont pas comme ça. Ne sont pas équilibrés et ils n’ont pas tous les moyens d’abord de s’en rendre compte. Et ensuite de se soigner…



Jérôme Colin : En même temps, on ne fait pas des enfants à notre image, non plus. On fait de notre mieux, et puis des fois, ça ne va pas.
Françoise Hardy : Oui, d’accord. Mais vous avez des parents qui croient aimer leurs enfants et qui au nom de l’amour finalement font plus de mal que de bien. Déjà, dans le fait… euh là puisque je vois qu’il y a un livre d’Arthur Jdanov, c’est ça ? Oui, c’est ça. C’est dans Arthur Jdanov que j’ai appris ça. Ça m’a paru tellement lumineux que j’ai adhéré à ce qu’il disait. Il disait que la névrose, elle naît bien avant la naissance. Elle naît déjà dans les raisons pour lesquelles les parents vous font. Si tant est qu’il y a des raisons. Et par exemple, quand je vois des femmes qui veulent un enfant à tout prix, qui sont prêtes à passer par des mères porteuses pour avoir cet enfant à tout prix, je me dis qu’elles pensent à leur désir. Elles sont complètement sous la coupe de leur désir, et jamais elles ne pensent à l’enfant. Enfin moi, c’est mon avis. Je sais … Thomas me reproche d’avoir des avis radicaux. C’est un avis radical. Je l’exprime tel quel. Je suis scandalisée par l’histoire des mères porteuses. J’ai appris que Nadine Morano était pour et qu’elle-même n’aurait pas hésité et n’hésiterait pas à être mère porteuse pour sa fille. Je trouve tout ça, mais alors … mais alors…



Jérôme Colin : C’est vrai...
Françoise Hardy : Mais ça m’indigne au dernier degré !

Jérôme Colin : Mais vous n’avez pas eu une folle envie d’enfants. Votre ventre à un moment ne vous a pas dit : Françoise…
Françoise Hardy : Jamais je ne serais passée par une mère porteuse. Encore moins si ça avait été ma mère. Mais quelle horreur !

samedi 16 décembre 2017

Françoise Hardy dans Hep Taxi ! - 1er extrait

En septembre 2009, Françoise Hardy prenait le taxi de Jérôme Colin pour l'émission Hep Taxi de la RTBF.

Jérôme Colin : Bonjour
Françoise Hardy : Bonjour. En avant ! Je ne sais pas où. … Je n’ai aucune force… Faible femme que je suis, faible femme… (rire)

Jérôme Colin : Ça commence bien !
Françoise Hardy : Mais surtout après une heure de train, on est tellement avachis...

Jérôme Colin : Ah c’est vrai. En même temps avant, ça en prenait 3
Françoise Hardy : C’est une horreur. Comment ?

Jérôme Colin : Ça prenait 3 heures
Françoise Hardy : Alors, on devait être trois fois plus avachis. J’ai connu d’ailleurs ces temps lointains et proches en même temps.

Jérôme Colin : Quel beau cliché, hein !
Françoise Hardy : Cliché c’est sûr, beau je ne sais pas !


Jérôme Colin : J’ai déjà conduit votre fils Thomas.
Françoise Hardy : Oui, j’ai vu l’émission car j’ai une relation qui travaille à Bruxelles et qui m’a envoyé très gentiment le DVD. Donc, j’ai regardé ça il y a déjà un certain temps, et j’avais trouvé ça très très bien. Je l’avais appelé pour lui dire que j’avais trouvé ça très très bien. Chaque fois qu’il fait quelque chose, je l’appelle. Je ne l’appelle pas souvent, mais chaque fois qu’il fait quelque chose et que je le vois, j’appelle pour lui dire que c’était très bien.

Jérôme Colin : C’est vrai ?
Françoise Hardy : Oui

Jérôme Colin : Vous êtes maman collectionneuse des articles sur votre fils, etc. ?
Françoise Hardy : Euh... Oui et non. Surtout quand il fait des choses à la télévision, ça m’embête de les rater. Et je trouve de dire que c’est bien, de dire comment on a trouvé les choses parce que moi-même étant dans des émissions depuis très longtemps… On sort de là plein de doute. On ne sait pas si c’était bien ou si ce n’était pas bien. Encore maintenant ça me réconforte d’avoir des avis extérieurs, soit parce que les avis sont meilleurs que les miens, soit parce que justement ils confortent mon avis. Que mon avis soit bon ou mauvais. Ce n’est pas la question

Jérôme Colin : C’est l’immense fierté quand même...
Françoise Hardy : Oh oui, oui, je suis très fière de lui. C’est vrai ! Surtout je suis contente parce que je crois que quand on est parent, la chose qui inquiète le plus, c’est que son enfant n’arrive pas à se réaliser comme il le souhaite. C’est quand même la chose la plus importante dans la vie parce qu’on a l’impression que tout découle de là. Si on n’arrive pas à ça, si on va d’échecs en échecs, eh ben finalement, on a du mal à avoir une vie personnelle équilibrée. La santé s’en ressent aussi au bout d’un moment. Enfin, j’ai l’impression que c’est la première chose…

dimanche 10 décembre 2017

Interview pour Canal + - Partie 12

Gilles VERLANT : On peut en détailler quelques titres, comme le premier morceau qui a été extrait de cet album, "Mode d’emploi" ...

Françoise HARDY : Une chanson qui parle de communication ; parfois on parle et puis la communication ne se fait pas, soit parce qu’on parle pour ne rien dire, soit parce qu’on parle pour cacher certaines choses, soit parce que l’autre interprète ce que vous dites de travers. Et puis il y a d’autres moments où l’on ne dit rien par peur de se trahir et ce silence même vous trahit ... La communication, c’est quelque chose qui me préoccupe beaucoup parce que j’ai extrêmement peur des malentendus.

Gilles VERLANT : Un de mes titres préférés, "Un peu d’eau" ...

Françoise HARDY : Un peu d’eau parle des larmes, de quelqu’un, un homme, qui a du mal à pleurer. Les hommes ont souvent ce problème, alors que les femmes c’est le contraire, elles pleurent trop, parfois pour se décharger des problèmes, parfois pour manipuler ... La chanson parle du refus des émotions et des sentiments, le refus de l’amour qui dessèche certaines personnes au point qu’ils ne pleurent jamais ou pas assez. Dans ce contexte, l’eau des larmes est une eau de vie.


Gilles VERLANT : Dans "Les madeleines", vous vous moquez des hommes qui se font manipuler ...

Françoise HARDY : La mélodie est très naïve et tout naturellement, ça m’a inspiré un texte sur la naïveté. J’ai vu autour de moi pas mal d’hommes se faire piéger par des petites bonnes femmes extrêmement malignes. Ils sont piégés en fait par leur orgueil ou leur vanité : ils croient être amoureux, alors qu’ils sont seulement accros à l’image flatteuse, toute-puissante d’eux-mêmes, que l’autre a su leur renvoyer pour mieux les ligoter.

Gilles VERLANT : On va terminer par cette chanson qui moi aussi me file le bourdon, "Je t’aimerai toujours pour deux" ...

Françoise HARDY : En amour, la réciprocité, même quand elle semble exister, n’est jamais totale, je pense qu’il ne faut pas la rechercher à tout prix. Balavoine avait écrit une chanson magnifique sur ce sujet : l’important, n’est pas tellement d’être aimé, l’important c’est d’aimer ...

mardi 5 décembre 2017

Interview pour Canal + - Partie 11

Gilles VERLANT : Alors, parlons enfin de ce dernier album qui en a dérouté plus d’un ... une pochette en noir et rouge, des guitares saturées et un titre qui veut tout dire, "Le danger" ...

Françoise HARDY : Ce disque est différent à tous points de vue de ce que j’ai fait auparavant. J’ai l’impression que les textes vont plus loin, qu’ils sont beaucoup plus noirs, plus durs. Donc je voulais que la rupture se voie d’entrée de jeu, avec une pochette qui n’ait rien à voir avec un portrait classique, une dominante de rouge et de noir, le rouge pour symboliser toute la violence et la passion qu’expriment les textes, qui est son complément puisque quand le feu a tout ravagé, ce qui reste c’est un petit tas de cendres ...

Gilles VERLANT : Si vous êtes revenue à la musique aujourd’hui, j’ai l’impression que c’est aussi parce que vous aviez envie de travailler avec des musiciens pour qui vous avez une réelle admiration comme Rodolphe Burger de Kat Onoma ou Alain Lubrano.



Françoise HARDY : On m’a fait une proposition inattendue de me signer en me dégageant par avance de la promotion que je ne souhaitais pas faire. C’était pour moi l’opportunité d’une part de poursuivre mon association professionnelle avec Alain Lubrano, avec qui je travaille depuis quelques années, d’autre part, de demander à Rodolphe Burger, leader de mon groupe favori, Kat Onoma, s’il acceptait de participer à ce disque. J’avais repéré dans ses compositions des boucles mélodiques d’une déchirante mélancolie qui me plaisent au-delà de tout et je rêvais qu’il m’en compose une ou deux de ce type ...

samedi 2 décembre 2017

Interview pour Canal + - Partie 10

Gilles VERLANT : En 1988 également vous sortez l’album "Décalages", écrit en compagnie de Jean-Noël Chaléat. A l’époque, vous annoncez que c’est votre dernier album et que vous allez arrêter de chanter.

Françoise HARDY : J’en avais assez pour des tas de raisons. D’abord parce que j’ai toujours pensé qu’à partir d’un certain âge, ce serait un peu ridicule de continuer à pousser la chansonnette. Peut-être parce que j’avais l’impression de ne pouvoir écrire autre chose que des chansons très sentimentales et qu’au-delà d’un certain cap, ça parait un peu bizarre de toujours ressasser les mêmes thèmes. Et puis tout devenait de plus en plus difficile : le fait de chanter sur des machines, et plus sur de vrais instruments, le fait de se battre pour passer à la radio, le fait de devoir faire des playbacks à la télé, ce que je déteste par dessus tout ... Alors je me suis dit qu’il valait mieux que j’arrête, que j’écrive pour d’autres chanteurs ...

Gilles VERLANT : Sur cet album, on trouve la chanson "Laisse-moi rêver", où vous parlez indirectement de vos fascinations sadomasochistes or je crois savoir que parmi vos films et livres préférés on trouve "9 semaines et demi" et "Histoire d’O" ...


Françoise HARDY : C’est très difficile d’en parler comme ça ... J’ai été très bouleversée par la lecture d’"Histoire d’O" mais il y a longtemps, il faudrait que je le relise pour pouvoir en parler avec l’intelligence que ça mérite. Ce qui m’a intéressé dans ce récit, c’est le rêve de l’héroïne d’avoir accès au domaine a priori interdit des fantasmes sexuels masculins. Beaucoup d’hommes ont tendance à voir dans la femme tendre une maman, et à réserver leurs fantasmes à la femme dure, autrement dit la putain, par définition femme d’argent et de pouvoir. C’est douloureux à vivre pour la femme à la fois tendre et désirante, qui aspire à être pour l’autre un objet de désir aussi complet qu’il l’est pour elle, en lui faisant dépasser la dissociation maman / putain qui l’exclut d’une partie de sa sexualité. C’est le sujet d’"Histoire d’O", qui est un livre merveilleusement écrit, alliant la beauté de la forme à la profondeur du fond. Laisse-moi rêver, ce n’est qu’un texte de chanson, c’est forcément concis, ça va beaucoup moins loin ... Quand j’étais jeune, un astrologue m’avait parlé de mon masochisme et je m’étais récriée, je n’avais pas compris ce qu’il avait voulu me dire. Avec le temps, j’ai réalisé que je m’étais un peu trop souvent mise dans des situations de frustration, mais je crois que j’ai eu, avant tout, un besoin d’intensité qui était satisfait par les états de désir. Or pour qu’il y ait désir, il faut une certaine distance de la part de l’autre : on ne peut pas désirer ce qui est à vos pieds. L’amour-désir et la part de souffrance qui l’accompagne ont toujours constitué mon principal moteur, alors que, quand il m’est arrivé d’éprouver le type de souffrance que le masochisme est censé rechercher, je n’avais plus de moteur du tout !