samedi 26 août 2017

Octobre 1996 - Entretien avec Michel Field - Partie 7

Michel FIELD : On a dû vous presser de faire de la scène.

Françoise HARDY : Oui, encore maintenant. Ça paraît ridicule.

Michel FIELD : Pourquoi ?

Françoise HARDY : Parce que quand vous avez arrêté il y a plusieurs décennies, ça n’est pas maintenant que vous allez vous y remettre, surtout quand vous savez exactement pourquoi vous avez arrêté et que ce ne serait une bonne chose ni pour vous, ni pour un éventuel public de remettre ça ...

Michel FIELD : Mais n’y a-t-il pas quelque part en vous une petite voix qui vous dit quand même ...
Françoise HARDY : Non. La seule voix que j’ai, c’est une voix de regret. C’est de déplorer mes limites qui font que je ne puis être aussi bien sur scène qu’il faudrait - qu’il faut - être pour être satisfaite de son travail, pour bien défendre les chansons qu’on a à défendre et pour satisfaire le public qui vient vous voir. J’en suis très consciente.

Michel FIELD : Est-ce que c’est une sorte de modestie ?

Françoise HARDY : Non ...

Michel FIELD : Un orgueil démesuré ?

Françoise HARDY : Ah non, non plus. Véritablement ... Je l’ai fait justement, je ne peux pas dire que je ne l‘ai pas fait et que je suis sûre que je ne le ferais pas bien. Je l’ai fait et je me suis heurtée chaque fois à mes limites et mes difficultés.
Michel FIELD : Quelles étaient-elles ?

Françoise HARDY : J’ai des difficultés rythmiques par exemple ... J’ai des difficultés vocales ... J’ai une voix qui n’est pas solide du tout, qui lâche facilement, sur laquelle je ne peux pas compter, ce qui va d’ailleurs avec une énergie physique ... il suffit de me regarder, de voir la tête que j’ai, pour savoir que j’ai une énergie relativement limitée ... Or, pour faire de la scène, il faut beaucoup d’énergie, il faut avoir le "hara" que je n’ai sans doute pas ... Il y a, liés à tout ça, les problèmes de respiration, dont je n’ai pris conscience que très progressivement ... Si j’en avais été consciente à 18/19 ans, si je m’étais mise à travailler d’arrache-pied pour acquérir tout ce qui me manquait, peut-être aurais-je fini par l’acquérir, je n’en sais rien ... Quoi qu’il en soit, aujourd’hui c’est trop tard ...

Michel FIELD : N’est-ce pas une façon de clore trop facilement le débat, de dire que c’est trop tard ?

Françoise HARDY : Non, c’est être objective. Là , je crois que je suis objective. Ce n’est pas du tout une forme d’échappatoire, de lâcheté, de fuite ou de je ne sais quoi d’autre, d’orgueil ... Non. C’est vraiment voir les choses telles qu’elles sont. Au ras des pâquerettes. Point.

Michel FIELD : Ça vous aura manqué ?

Françoise HARDY : J’envie les artistes qui ont l’aptitude de trouver du plaisir à la scène et d’en procurer aux autres. J’envie beaucoup ça, enfin je suis sûre que ça doit être prodigieux pour eux.

Michel FIELD : Il vous est arrivé d’être dans la salle et de regretter ?

Françoise HARDY : Non, de déplorer de ne pas avoir ce que ces artistes ont.
Michel FIELD : Et pourtant on en connaît qui ont des problèmes de voix, de rythme et que ça n’empêche pas de faire de la scène ...

Françoise HARDY : Oui, mais ils sont peut-être moins entravés par une émotivité un peu démesurée que j’aurais dû faire soigner depuis longtemps ...

Michel FIELD : Qui se manifeste comment ?

Françoise HARDY : Par le fait que j’ai encore plus le trac pendant qu’avant, et ça c’est vraiment très, très embêtant ...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire