mardi 9 juillet 2013

La musique ne peut pas tricher (8ème extrait)

En 2005 Françoise Hardy accordait une interview à Cécile Wajsbrot pour la revue annuelle Fusées.

Cécile Wajsbrot : "Est-il indiscret de vous demander pourquoi à l'époque de Décalages (en 1988), vous avez décidé que ce serait votre dernier disque ? Je crois me souvenir que vous aviez parlé de l’âge, mais était-ce la vraie raison ?"

Françoise Hardy

Françoise Hardy : "J'avais décidé en 1988 que l'album Décalages serait mon dernier disque, avant tout parce que la promotion qu'il fallait faire à la télévision me pesait de plus en plus. Dès lors que l'on ne fait pas de scène, chanter dans une émission publique en direct et même en playback met dans une position de chanteuse de scène qui ne m'a jamais convenu. J'espérais sincèrement garder un pied dans ce métier en écrivant pour les autres. Quelques années plus tard, un PDG de maison de disques m'a assuré qu'il me signait même sans promotion. Je lui ai rétorqué qu'on ne vendrait pas un disque et il m'a répondu : "L'important n'est pas que les disques se vendent, mais que les chansons existent". C'est ainsi que j'ai repris le chemin des studios et n’accepte que les émissions qui m’offrent le confort psychologique dont j'ai besoin".

samedi 6 juillet 2013

Françoise Hardy dans Formidable (Décembre 1966) - 4ème extrait

En décembre 1966, Françoise Hardy faisait la couverture du mensuel Formidable. Jean Nouailhac lui consacrait un article intitulé Françoise Hardy s'anime... au cinéma.

Frankenheimer, le metteur en scène, passionné de voitures et coureur amateur, avant de faire son service militaire aux États-Unis, avait à sa disposition un parc étonnant : dix-huit voitures au total, Lotus, B.R.M., Ferrari, Ford G.T. 40, Shelby-Cobra, sept litres et autres A.A.R. ou Mac Laren...
Le moindre de ces bolides coûte 10 000 F, de quoi s'acheter une petite maison à la campagne avec un petit bout de terrain pour cultiver des fleurs...

Il existe, au monde, trente caméras-cinérama : Frankenheimer en a utilisé dix-huit. Autant que les réalisateurs de la T.V. française quand ils retransmettent en direct les 24 heures du Mans.

Françoise Hardy

Un circuit fermé de télévision, commandé à distance par radio, permettait de contrôler l'ensemble : les plans d'ensemble étaient assurés par une caméra placée dans un hélicoptère, véritable poste de commande volant, relié électroniquement aux caméras installées à bord des voitures.

Et au milieu de ce plateau monstrueux, empesté de vapeurs d'essence, d'huile de ricin, déchiré par le rugissement des bêtes mécaniques mêlé au ronflement docile des caméras et aux cris des assistants, au milieu de ce formidable dispositif qui fait évoluer dix-huit caméras, dix-huit voitures, un hélicoptère, deux cents techniciens, quarante mécaniciens et dix vedettes internationales se trouvait Françoise, frêle et docile, inquiète d'elle-même et rassurée à la fois : "Pour piloter les voitures, la production avait engagé de très grands pilotes, comme Phil Hill, Graham Hill, Bruce Mac Laren, Richie Ginther, Bondurant et Jean-Pierre Beltoise.. Moi qui n'ai jamais aimé conduire et qui ai dû m'y reprendre à deux fois pour passer mon permis, j'étais servie...

mardi 2 juillet 2013

Françoise Hardy dans Rallye Jeunesse (4ème extrait)

En 1966, pour le mensuel Rallye Jeunesse, Françoise Hardy revenait sur son parcours professionnel, interrogée par F.-R. Barbry.

L'aiguille de pin finit de se consumer dans le cendrier. Sur un meuble, des disques épars. Ils n'ont pas été remis dans leurs pochettes, ce qui prouve qu'ils auront à se remettre au travail d'ici peu de temps.

_ J'aime beaucoup ce que font les Rolling Stones en ce moment. Tu vois, je reste une fervente du rythme.
Sur la table, le magnétophone qui aura la primeur de la toute dernière. Sera-t-elle une fantaisie, comme Ce petit cœur : une ballade du genre de L'amitié ou une confidence comme Tu peux bien ? Il sera le premier fixé, et à voir sa bobine à mi-cours, je pense qu'il l'est peut-être à l'heure où j'interroge Françoise sur ses projets.

_ Repasser à L'Olympia mais à la tête du programme cette fois-ci, est ce que je souhaite le plus. Je ne sais pas si je serai capable de tenir cette place, enfin... peut-être.



Peut-être. Il me semble entendre à nouveau la jeune étudiante qui préparait sa licence d'allemand à la Sorbonne et qui, chaque mercredi soir, venait au Petit Conservatoire et qui se disait aussi "peut-être" en parlant de son avenir. Elle qui chante Tout ce qu'on dit ne vaut rien sans ce qu'on fait ne s'est pas contentée de rêver l'aventure.

Elle a émergé un matin, de la tempête du rythme et murmuré, au creux d’oreilles blasées, une confidence à laquelle personne n'a pu rester insensible : "Tous les garçons et les filles de mon âge se promènent dans la rue deux par deux...  Oui, mais moi, je vais seule, dans la rue, l'âme en peine."

Depuis Françoise a mis en musique toutes les facettes de l'amour naissant, balbutiant, grandissant, trébuchant : Je pense à lui, L'amour d'un garçon peut tout changer, Qui aime-t-il vraiment ? Tout me ramène à toi, Pourtant tu m'aimes, On se quitte toujours, Je n'attends plus personne, En t'attendant, Non, ce n'est pas un rêve, Dans le monde entier, Tu verras que je te garderai... Nulle chanteuse n'a plus épelé le verbe aimer avec douceur, pudeur, délicatesse, avec un grain de fantaisie tout à la fois.
C'est sans doute pour cela que ses textes semblent toujours si proches de nous et que sa voix un peu timide n'a aucun mal à nous atteindre.

dimanche 30 juin 2013

Françoise Hardy dans Platine n°190 (7ème extrait)

Pour la sortie de l'album L'amour fou, Eric Chemouny s'entretenait avec Françoise Hardy dans Platine (numéro 190 de novembre / décembre 2012).

Eric Chemouny : "Bizarrement, l'album se termine sur une mélodie très enlevée de François Maurin, "Rendez-vous dans une autre vie"..."

Françoise Hardy :
"C'est vrai , mais elle a une dimension assez mélancolique. A bien écouter, elle n'est pas si gaie que ça. Cela faisait longtemps que j'avais ce titre en tête. Je l'avais déjà pour le dernier album. J'avais beaucoup hésité à le retenir, mais j'avais déjà assez de chansons. J'y suis revenue, mais cela a été difficile de le retrouver car je n'avais qu'une indication : "Ventilo", sans savoir qui l'avait composé."

Eric Chemouny : "C'était important pour vous de traiter ce thème avec légèreté ?"

Françoise Hardy :
"Oui, même si je ne pense pas l’avoir traité avec tant de légèreté, mais plutôt de façon symbolique. C'est très important à mes yeux de pouvoir remercier quelqu'un qui a compté dans votre vie, même si cette personne vous a fait souffrir, indirectement. Car les hommes auxquels on s'attache, dont on est amoureuse, font finalement le sel de la vie. J'avais envie de les remercier et de leur dire qu'on fera peut-être mieux dans une autre vie... C'est une chanson ouverte, porteuse d'espoir".


Eric Chemouny : "Croyez-vous en une forme de vie après la mort ?".

Françoise Hardy :
"Oui. En tout cas, je n'exclus pas du tout cette possibilité. Je suis toujours exaspérée par des gens comme Michel Onfray, qui savent mieux que les autres. Il sait, par exemple, que Dieu n'existe pas. Il ne sait même pas ce que Dieu veut dire, mais il sait qu'il n'existe pas (rire)."

Eric Chemouny : "J'imagine que pendant l'enregistrement de cet album, vous aviez une pensée pour Alain Lubrano; compagnon de vos précédents albums et récemment disparu..."

Françoise Hardy :
"Bien sûr, et d'ailleurs je devais faire une chanson de lui, qu'il ne voulait pas que je fasse sur le précédent album. Il avait bien raison d’ailleurs, parce qu'on a passé du temps dessus, et il s'est avéré que ça n'allait pas du tout. Les rapports professionnels avec lui étaient toujours conflictuels, difficiles, et pesants. Il est arrivé que j'en aie par dessus la tête, et inversement. Là, je dois avouer que j'ai apprécié, et même savouré, de ne travailler qu'avec des gens avec lesquels l'accord était permanent."

mardi 25 juin 2013

Françoise Hardy - Jukebox Magazine (Sept 2012 - 1er extrait)

En 2012, le mensuel Jukebox laissait carte blanche à un de ses fidèles lecteurs, Hubert Rigolet, pour qu'il s'exprime sur sa passion pour Françoise Hardy.

La plupart de ses succès date des années 60 et Françoise Hardy avait 18 ans en 1962. Elle était si jeune et naïve et parfois ses textes étaient vraiment simples. Elle ne sortait jamais et vivait en vase clos entre sa mère célibataire et sa sœur. De plus, elle se croyait moche tant sa grand-mère maternelle l'avait dénigrée sur son physique. Mais on n'est jamais triste lorsqu'on écoute ses chansons. On ressent plutôt une plénitude, une grande satisfaction. Bien sûr ses chansons ne sont pas gaies. Elles traduisent toujours exactement tout ce qu'elle a vécu. Ce sont ses émotions ressenties depuis ses débuts en 1962. Tout ce qu'elle chante n'est pas fabriqué, ce sont ses sentiments vécus souvent douloureusement. Rien n'est inventé. Tout est sincèrement vrai, d'où l'intensité lorsqu'elle les interprète. Elle ne peut pas écrire les histoires des autres sur commande.

Françoise Hardy

Sa voix si douce, pleine d'émotion, apaise. Elle chante juste, sans forcer dans les aigus et toujours avec du cœur, de la sincérité sur sa problématique affective et sentimentale. C'est une âme qui chante. Et ses orchestrations sont léchées, luxueuses. C'est parfois monstrueux de lenteur, de pesanteur et de beauté romantique. C'est magnifique et parfois, ça serre la gorge. C'est la perfection. C'est de l'art, de la beauté, tant il est vrai qu'on est des êtres complètement éclatés avec un corps qui a ses poids, une intelligence qui a ses exigences, un cœur qui a ses tendances, ça ne va jamais dans le même sens. Tout d'un coup, grâce à une chanson, le corps a son compte, le cœur a son compte, l'affectif a son compte, le relationnel a son compte. Pendant un moment, c'est un instant de paradis. On est initié, mais cela ne peut durer, on revient sur soi. Françoise Hardy, c'est tout cela.

samedi 22 juin 2013

Françoise Hardy en cinq actes (1er extrait)

En février 1963, pour le mensuel Rallye Jeunesse, Marie-Aline dressait un portrait de Françoise Hardy en cinq actes...

Que devenez-vous, Françoise Hardy ? Vous êtes toujours là, très discrète. Un soir, on vous rencontre à la télévision. Vous y êtes à l'aise maintenant. Tant mieux ! Mais à votre charme, il manque toujours le sourire.
Et pourtant, au hasard d'une couverture de magazine, d'une interview ou d'une confidence, je crois voir toute différente, mon amie Françoise, gaie, curieuse, enjouée...
Vous êtes gaie, dites-vous... Alors, pourquoi ne pas nous faire part de votre gaieté ? Devons-nous nous résigner à chanter après vous les amours malheureuses, la tristesse des séparations, la solitude ? Faut-il vous suivre dans votre tragédie en cinq actes ? Oui, l'an dernier, déjà, dans une revue sérieuse, un professeur (F. Louis Laurent : l'Univers de F. Hardy) vous mettait en scène. Les cinq actes n'ont pas la même vigueur, mais voici le canevas :

Françoise Hardy

Acte 1
L'amour s'éveille. Une jeune fille solitaire chante :
"Tous les garçons et les filles de mon âge
Se promènent dans la rue deux par deux..."

Elle n'a pas de chance aujourd'hui, mais elle espère que viendra le jour... "le jour où je n’aurai, plus du tout l’âme en peine; le jour où moi aussi, j'aurai quelqu'un qui m'aime."
La rencontre désirée ne tarde pas trop. Surprise mais prudente, la jeune amoureuse redoute l’aventure et entend diriger les relations. "Je suis d'accord pour tout ce que tu voudras, mais ne compte pas sur moi pour aller cher toi."
Pourtant ce garçon ne serait-il pas la perle rare ? "Qui le sait ?... Peut-être qu'un jour, toi et moi, ça ira plus loin, et ce sera le grand amour."

mardi 18 juin 2013

Françoise Hardy et Michel Houellebecq (Astrologie Naturelle extrait 7)

En mai 1999, Françoise Hardy faisait le thème astrologique de Michel Houellebecq pour la revue Astrologie Naturelle.

Françoise Hardy : Le fait que votre livre ait été en partie incompris par beaucoup de lecteurs vous affecte ?
Michel Houellebecq : Non. Je suis confiant...

Françoise Hardy : Vous pensez qu’avec le temps vous serez de mieux en mieux compris ?
Michel Houellebecq : Oui.

Françoise Hardy : N’est-ce pas lourd à porter d’être un visionnaire pessimiste ?
Michel Houellebecq : Enfant déjà, j’étais conscient de voir mieux, plus profond, plus loin que les autres. Mais ma vision n’est pas que noire.

Françoise Hardy : Vous saviez en écrivant Les Particules élémentaires que c’était un livre important qui ne passerait pas inaperçu ?
Michel Houellebecq : Oui. Je pensais qu’il susciterait des réactions violentes, mais sans imaginer un tel succès public.... Vous ne m’avez pas parlé de mon Signe Ascendant, quel est il ?

Françoise Hardy et Michel Houellebecq

Françoise Hardy : Gémeaux. Un Signe adaptable, mobile, souple très différent de Saturne et des Poissons.
Michel Houellebecq : (Ironisant) Je suis malheureusement un garçon très intelligent. Je n’ai aucune difficulté à être une vedette. Je comprends parfaitement ce que les médias me veulent et je l’accepte. Je suis un vrai "pro" des médias : adapté, habile, subtil... Le système de la mode ne me dérange pas. Mais cette adaptabilité que vous dites Gémeaux, je croyais qu’elle relevait des Poissons.

Françoise Hardy : L’adaptabilité Gémeaux repose sur une curiosité assez superficielle, celle des Poissons sur une relative indifférence de fond...
Michel Houellebecq : (Suave) Le milieu "branché" m’a soutenu dès mes origines médiatiques et j’ai l’impression de surfer avec aisance sur les courants de mode. En plus, j’aime les gens...

Françoise Hardy : Mais au fond vous vous en foutez ?
Michel Houellebecq : Mais au fond je m’en fous. Bizarrement, mon succès ne m’étonne pas, j’en suis même heureux. Mais j’ai longtemps connu le contraire et ça ne me dérangeait pas. (Pris d’une brusque sollicitude) Vous allez avoir du mal à débrouiller tout ça, Françoise.